Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/128

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merveilles, rendre son nom illustre, et s’attirer les hommages des peuples par des opérations magiques, nous les prions de considérer s’il a pu, par de tels moyens, remplir de l’Esprit de Dieu, avant de naître, tous les prophètes qui ont annoncé à l’avance les événements que l’Évangile nous montre accomplis déjà depuis longtemps en sa personne, et ceux que nous voyons s’accomplir aujourd’hui dans tout l’univers. Si, par la magie, il a pu se ménager l’honneur d’être adoré même après sa mort, du moins doit-on convenir qu’il n’était pas magicien avant de naître. Et voilà qu’une nation entière a été destinée à l’annoncer, de manière à offrir dans toute la suite de son gouvernement une prophétie de ce roi qui devait venir pour former de toutes les nations la cité céleste.

CHAPITRE XII. POURQUOI LES ROMAINS, MAÎTRES DES JUIFS, N’ONT-ILS PAS RECONNU LE DIEU D’ISRAËL ?

18. Cette nation des Hébreux, dont le rôle, comme je l’ai dit, fut de prophétiser le Christ, n’avait d’autre Dieu que le seul Dieu, le vrai Dieu qui a fait le ciel et la terre avec tout ce que le ciel et la terre renferment. Souvent ils tombèrent sous le joug de leurs ennemis après l’avoir offensé : et maintenant pour s’être rendus coupables de la mort du Christ, on les voit arrachés de Jérusalem leur capitale, et soumis à l’empire romain. Or, les Romains étaient dans l’usage d’adorer, pour se les rendre propices, tous les dieux des nations qu’ils subjuguaient, et d’en admettre le culte. Leur conduite fut différente envers le Dieu des Hébreux, après qu’ils eurent détruit par les armes la nationalité de ce peuple. Car ils comprenaient bien, je crois, que recevoir le culte du Dieu d’Israël, c’était s’engager à n’adorer que lui et à renverser toutes ces idoles qui, en retour des hommages reçus, avaient, pensaient-ils, donné tant de force et un si grand accroissement à leur empire. En quoi la malice des démons les abusait étrangement : car ils devaient croire sans nulle hésitation que ce n’était pas la faveur de tant de faux-dieux, mais bien la volonté secrète du vrai Dieu, souverain Seigneur de toutes choses, qui leur avait donné l’empire et en avait ménagé l’accroissement : il était facile de comprendre, que les dieux des nations, s’ils avaient eu quelque puissance, n’auraient point laissé leurs adorateurs tomber sous le joug des Romains, mais les auraient plutôt rendus maîtres des Romains eux-mêmes.

19. Ils ne peuvent, d’ailleurs, prétendre que les dieux des nations subjuguées par eux, les ont favorisés pour leur piété et leurs bonnes mœurs. Ils n’oseront jamais le dire, s’ils veulent se rappeler les commencements de leur empire, honteusement marqués par l’asile ouvert aux brigands et par le fratricide de Romulus. En effet, quand les fils de Rhéa Sylvia créèrent un refuge où pût se rendre tout homme coupable de quelque crime, et par là se soustraire au châtiment, donnèrent-ils des leçons de repentir, pour ramener au bien des âmes flétries par le mal : ou plutôt n’armèrent-ils pas contre leur patrie ces fugitifs qu’ils arrachaient à la crainte des lois et de – la justice en leur promettant l’impunité ? Et quand Romulus tua son frère qui ne lui avait fait aucun mal, sans doute c’était pour venger les droits de la justice, et non pour satisfaire son ambition et sa soif du pouvoir ? De telles mœurs ont-elles donc charmé les dieux au point de les rendre ennemis de leurs propres villes attaquées, et protecteurs des assaillants ? Que dis-je ? en abandonnant ces villes les dieux ne les condamnaient point à périr, comme en passant du côté des Romains ils n’assuraient point à ceux-ci la victoire : car il n’est nullement en leur puissance de disposer des trônes et des couronnes. Il n’y a que le seul vrai Dieu qui, par un jugement secret, les donne ou les reprend : et ce n’est pas pour rendre heureux ceux à qui il les donne ni malheureux ceux à qui il les enlève ; mais tandis que sa providence sait trouver ailleurs la cause et l’objet du bonheur des uns et des autres, il distribue, suivant l’ordre d’une prédestination éternelle, les royaumes temporels et terrestres, en les laissant ou en les donnant à qui il veut et pour le temps qu’il veut.

CHAPITRE XIII. POURQUOI DIEU A LAISSÉ LES JUIFS TOMBER SOUS LE JOUG DES ROMAINS.

20. De là, nos adversaires n’ont pas davantage le droit de nous faire cette autre objection Pourquoi le Dieu des Hébreux qui est, selon vous, le vrai Dieu et le souverain maître de toutes choses, non-seulement ne leur a pas soumis les Romains, mais ne s’est même pas employé à les soustraire au joug de ce peuple ? Pourquoi ? C’est que auparavant ils s’étaient souillés de crimes manifestes,