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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/168

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46. Nous lisons dans le texte de saint Matthieu immédiatement après le discours du Seigneur : « Jésus ayant achevé de parler, la foule était dans l’admiration de sa doctrine ; » ceci peut-être rapporté à la foule des disciples parmi lesquels avaient été choisis les douze Apôtres. Le même Évangéliste dit un peu plus loin : « Lorsqu’il fut descendu de la montagne, une grande multitude de peuple le suivit ; et voilà qu’un lépreux venant à lui l’adorait. » Nous pouvons entendre cela comme ayant eu lieu non-seulement après le discours que lui-même rapporte, mais après l’autre que reproduit le texte de saint Luc. Car on ne voit rien qui fasse connaître quel espace de temps s’écoula entre la descente de la montagne et le fait relatif au lépreux ; et sans rien insinuer à cet égard, saint Matthieu a voulu marquer seulement, qu’après être descendu de la montagne le Seigneur était accompagné d’une grande foule de peuple lorsqu’il guérit le lépreux. Ceci est d’autant mieux fondé que, suivant saint Luc, Jésus était déjà dans la ville quand il opéra cette guérison ; circonstance que saint Matthieu ne relève pas.

47. Cependant on pourrait admettre encore que d’abord le Seigneur était seul avec ses disciples sur la partie la plus élevée de la montagne, quand parmi eux il choisit les douze Apôtres ; qu’ensuite il descendit, non jusqu’au bas, mais dans un lieu qui est spacieux, c’est-à-dire une espèce de plaine qui se trouvait au flanc de cette montagne et qui pouvait contenir une foule nombreuse ; qu’il s’arrêta là, y resta debout attendant que la multitude fût rassemblée autour de lui ; qu’enfin s’étant assis et les disciples s’étant approchés, il leur fit à eux et à toute la foule un seul et même discours : discours que saint Matthieu et saint Luc auront rapporté, non de la même manière, mais sans varier pour le fond des choses et des pensées reproduites par tous deux. Car déjà nous avons averti et, en dehors même de tout avertissement, chacun doit voir, qu’il n’y a pas d’opposition entre deux évangélistes dont l’un omet de dire ce que dit l’autre ; qu’il n’y en a pas davantage si les expressions sont différentes, du moment que les mêmes choses et les mêmes pensées s’y retrouvent. De sorte donc que quand saint Matthieu dit : « Jésus étant descendu de la montagne ; » il est permis d’entendre qu’il s’agit en même temps de la plaine, qui a pu s’étendre sur le flanc de cette montagne. Vient encore l’histoire du lépreux guéri, que rapportent également saint Matthieu, saint Marc et saint Luc.

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CHAPITRE XX. LE SERVITEUR DU CENTURION.

48. Saint Matthieu poursuit ainsi : « Lorsqu’il fut entré dans la ville de Capharnaüm, un centurion s’approcha de lui et lui fit cette prière : Seigneur, mon serviteur gît paralytique dans ma maison et il souffre extrêmement ; » et le reste jusqu’à l’endroit où nous lisons : « Et à l’heure même son serviteur fut guéri[1]. » Saint Luc de son côté rapporte cet événement, relatif au serviteur du centurion, non, comme saint Matthieu, après avoir parlé de la guérison du lépreux dont il fait plus tard le récit, mais immédiatement après l’exposition du long discours sur la montagne. « Jésus, dit-il, ayant achevé de faire entendre toutes ces paroles aux oreilles du peuple, entra dans Capharnaüm. Or, il. y avait là un Centurion dont le serviteur qui lui était cher était fort malade et près de mourir », et le reste, jusqu’à l’endroit où nous voyons ce serviteur guéri[2]. Entendons ici qu’à la vérité Jésus entra dans la ville de Capharnaüm après avoir achevé d’adresser au peuple toutes ses paroles, c’est-à-dire qu’il n’y entra pas avant d’avoir fini de parler ; mais que l’Évangéliste ne marque point l’intervalle de temps compris entre le discours du Seigneur et son entrée à Capharnaüm. Dans cet intervalle fut guéri le lépreux dont saint Matthieu fait l’histoire en son lieu, et que saint Luc rappelle plus tard.

49. Voyons actuellement si les deux évangélistes sont d’accord entre eux au sujet de ce serviteur du Centurion. Voici comme parle saint Matthieu : « Un centurion s’approcha de lui, le priant et disant : Mon serviteur gît paralytique dans ma maison. » Or saint Luc paraît le contredire : « Ce centurion, dit-il, ayant entendu parler de Jésus, lui envoya des anciens d’entre les Juifs pour le prier de venir guérir son serviteur. Étant donc venus trouver Jésus, « ces anciens le suppliaient instamment et lui disaient : Il mérite que vous fassiez cela pour lui. Il aime en effet notre nation, et il nous a même bâti une synagogue. Jésus s’en alla donc avec eux, et comme il n’était plus loin de la maison, le Centurion envoya de ses amis

  1. Mat. 8, 6-13
  2. Luc. 7, 1-10