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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/270

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pas cela à cause du Christ. Car celui-là n’est pas disciple du Christ, qui ne porte pas le nom de chrétien selon la vraie foi et la doctrine catholique.
15. « Réjouissez-vous et tressaillez de joie, parce que votre récompense est grande dans les cieux. » Je ne pense pas qu’on entende ici par cieux la partie supérieure de ce monde visible notre récompense, qui doit être immuable et éternelle, ne peut se trouver dans des choses sujettes au mouvement et au cours du temps. Mais par cieux je crois qu’on désigne le firmament spirituel où habite la justice éternelle et en comparaison duquel l’âme coupable est appelée terre, selon ce qui fut dit à Adam pécheur : « Tu es terre et tu iras en terre[1]. » C’est de ces cieux que l’Apôtre a dit : « Parce que notre vie est dans les cieux[2]. » Or ceux qui jouissent des biens spirituels goûtent déjà cette récompense ; mais elle ne sera complète que quand ce corps mortel aura revêtu l’immortalité. « Car c’est ainsi qu’ils ont persécuté les prophètes qui ont été avant vous. » Maintenant le Christ fait consister en général la persécution dans les malédictions et la diffamation, et c’est à propos qu’il donne un exemple, car pour l’ordinaire ceux qui disent la vérité souffrent persécution, et cependant cette persécution n’a point empêché les anciens prophètes d’annoncer la vérité.


CHAPITRE VI. LE SEL DE LA TERRE ET LA LUMIÈRE DU MONDE. – LE BOISSEAU ET LE CHANDELIER.

16. C’est donc avec beaucoup de raison que le Sauveur dit ensuite : « Vous êtes le sel de la terre : » montrant par là qu’il faut regarder comme insensés ceux qui recherchant l’abondance des biens temporels, ou craignant d’en être privés, perdent les biens éternels que les hommes ne peuvent ni donner ni ôter. « Si donc le sel perd sa vertu, avec quoi salera-t-on ? » C’est-à-dire si vous, par qui les peuples doivent en quelque sorte être assaisonnés, vous perdez le royaume des cieux par crainte des persécutions temporelles, où trouvera-t-on des hommes pour vous délivrer de l’erreur, quand Dieu vous a choisis pour en guérir les autres ? Le sel affadi « n’est donc plus bon qu’à être jeté dehors et foulé aux pieds par les hommes. » Or ce n’est point celui qui souffre persécution qu’on foule aux pieds, mais celui à qui la crainte de la persécution ôte sa vertu. En effet, on ne peut fouler aux pieds que ce qui est à terre ; mais celui-là n’est point à terre qui, bien qu’il souffre beaucoup ici-bas dans son corps, est cependant fixé au ciel par le cœur.
17. « Vous êtes la lumière du monde. » Comme il a dit plus haut : « Vous êtes le sel de la terre » il dit maintenant : « Vous êtes la lumière du monde. » Or parla terre dont il parle plus haut, il ne faut pas entendre celle que nous foulons des pieds du corps, mais les hommes qui l’habitent, et même les pécheurs ; car c’est pour les assaisonner et détruire leurs mauvaises humeurs que le Seigneur leur a envoyé le sel apostolique. Et, par monde, il ne faut pas entendre ici, le ciel et la terre, mais.leshommes qui sont dans le monde, qui aimant le monde et que les apôtres ont mission d’éclairer. « Une ville ne peut être cachée.quandelle est située sur une montagne » c’est-à-dire quand elle est fondée sur une grande et éclatante justice, justice désignée aussi par la montagne sur laquelle le Seigneur fait entendre sa parole. « Et on n’allume point une lampe pour la mettre sous le boisseau. » Comment interpréter ces paroles ? « Mettre sous le boisseau » signifie-t-il simplement cacher une lampe, comme qui dirait : Personne n’allume une lampe pour la cacher ? Ou bien ce mot de boisseau a-t-il une autre signification ? Mettre une lampe sous le boisseau signifie-t-il préférer les avantages du corps à la prédication de la vérité, en sorte qu’on cesse de l’enseigner de peur de subir quelque désagrément dans les choses corporelles et passagères ? En tout cas ce mot de boisseau est bien choisi : soit à cause de la mesure dans laquelle chacun recevra la récompense de ce qu’il aura fait, selon ce témoignage de l’Apôtre : « Afin que, là, chacun reçoive ce qui est dû à son corps[3] » et suivant cet autre texte où l’idée de mesure personnelle, se retrouve encore : « Selon la mesure avec laquelle vous aurez mesuré, mesure vous sera faite[4] » soit parce que les biens passagers, qui concernent le corps, commencent et finissent dans un nombre de jours déterminé, indiqué peut-être par le boisseau ; tandis que les biens éternels et spirituels ne sont point resserrés dans de telles limites[5] : « Car ce n’est pas avec mesure que Dieu donne son esprit[6]. » Donc quiconque

  1. 2 Cor. 5, 10
  2. Mt. 7, 2
  3. 2 Cor. 5, 10
  4. Mt. 7, 2
  5. Rét. l. 5, ch. 19, n. 8.
  6. Jn. 3, 34