Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/272

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Sauveur ajoute : « En vérité je vous le dis, jusqu’à ce que le ciel et la terre passent, un seul iota ou un seul point de la loi ne passera pas que tout ne soit accompli. » En effet quand ce qui doit former le perfectionnement s’accomplit, à plus forte raison ce qui forme le commencement doit-il s’exécuter. Quant à ces paroles : « Un seul iota on un seul point de la Loi ne passera pas » elles ne peuvent être autre chose qu’une énergique expression de la perfection[1], puisqu’elle a été démontrée par chaque lettre en particulier ; car l’iota est la moindre des lettres, parce qu’il se fait d’un seul trait, et le point n’en est qu’une minime partie placée au-dessus de lui. Par ces mots le Seigneur fait voir que dans la loi, tout s’accomplira jusqu’aux moindres détails. — Puis il ajoute : « Car celui qui violera l’un de ces moindres commandements, et enseignera ainsi aux hommes, sera appelé très petit dans le royaume des cieux. » Un iota et un point désignent donc ici les commandements les moins importants. Par conséquent celui qui « violera et enseignera ainsi » c’est-à-dire autant qu’il viole, et non autant qu’il trouve et lit : « sera appelé très petit dans le royaume des cieux » ou peut-être même n’entrera pas dans le royaume des cieux, où tous les habitants doivent être grands. « Mais celui qui fera et enseignera ainsi » c’est-à-dire qui ne violera pas, et enseignera en tant qu’il ne viole pas, « sera appelé grand, dans le royaume des cieux. » Or celui qui sera appelé grand dans le royaume des cieux, sera nécessairement dans le royaume des cieux, où les grands sont admis, c’est à cela que se rattache ce qui suit.


CHAPITRE IX. JUSTICE PLUS PARFAITE SOUS LA LOI DE GRÂCE. — DEGRÉS DANS L’ENFER.

21. « Car je vous dis que si votre justice n’est plus abondante que celle des scribes et des Pharisiens vous n’entrerez point dans le royaume des cieux » c’est-à-dire : Vous n’entrerez point dans le royaume des cieux, si vous n’accomplissez, non-seulement les moindres préceptes de la Loi qui forment l’ébauche de l’homme, mais encore tout ce que j’y ajoute, moi qui suis venu non abolir la loi, mais l’accomplir[2]. Mais, me diras-tu, si, en partant plus haut de ces très petits commandements, il a dit que celui qui en aura violé un et enseigné dans ce sens, sera appelé très-petit dans le royaume des cieux, tandis que celui qui les aura observés et aura enseigné ainsi, sera appelé grand, et par conséquent sera grand dans le royaume des cieux : qu’était-il besoin de rien ajouter à ces très petits commandements de la loi, puisque celui qui les accomplit et enseigne ainsi, est grand ? Il faut donc que ces paroles : « Mais celui qui fera et enseignera ainsi sera appelé grand dans le royaume des cieux » soient entendues, non de ces très-petits commandements, mais de ceux-mêmes que le Seigneur va proclamer. Or quels sont-ils ? « Que votre justice, dit-il lui-même, soit plus abondante que celle des scribes et des pharisiens ; sinon, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux. » Donc celui qui aura violé ces très petits commandements et aura enseigné ainsi, sera appelé très-petit ; mais celui qui les aura observés et aura enseigné ainsi, ne sera pas tenu pour grand et pour digne du royaume des cieux, bien qu’il ne soit pas aussi petit que celui qui les aura violés. S’il veut être grand et propre au royaume des cieux, il doit faire et enseigner comme le Christ enseigne à cette heure, c’est-à-dire qu’il faut que sa justice soit plus abondante que celle des scribes et des pharisiens. La justice des pharisiens, c’est de ne pas tuer ; la justice de ceux qui doivent entrer dans le royaume de Dieu, est de ne point se fâcher sans raison. C’est donc très-petite chose de ne pas tuer, et celui qui viole ce commandement sera appelé très-petit dans le royaume des cieux ; mais celui qui l’aura observé en ne donnant la mort à personne, ne sera pas pour cela grand et digne du royaume des cieux, quoiqu’il soit déjà monté d’un degré ; mais il se perfectionnera en ne se fâchant point sans raison, et, s’il en vient à bout, il sera à une bien plus grande distance de l’homicide. Ainsi celui qui nous apprend à ne point nous fâcher, n’abolit point la loi qui nous défend de tuer ; il l’accomplit plutôt, en sorte que, nous abstenant de l’homicide au dehors et de la colère au dedans, nous conservions notre innocence.

22. « Vous avez entendu qu’il a été dit aux anciens : Tu ne tueras point ; car celui qui tuera sera soumis au jugement. Mais moi je vous dis que quiconque se met sans raison en colère contre son frère, sera soumis au jugement ; et celui qui aura dit à son frère : Raca, sera soumis au conseil ; mais celui qui dira Fou, sera soumis à la géhenne du feu. » Quelle

  1. Rét. 1, ch. 19, n. 3
  2. Ib. n. 4