Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/283

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qui vient toujours à temps au secours de l’humanité, et ne point y chercher des règles de conduite. Mais ces paroles de l’Apôtre : « La femme n’a pas puissance sur son corps, c’est le mari ; de même le mari n’a pas puissance sur son corps, c’est la femme » ces paroles, dis-je, peuvent-elles s’entendre en ce sens que, avec la permission de la femme qui a puissance sur le corps de son mari, celui-ci puisse s’unir charnellement à une autre femme qui ne serait point mariée ni séparée de son mari ? Il ne faut pas le penser, de peur que la même faculté ne soit aussi accordée à la femme du consentement du mari, ce qui choque le sens commun.

50. Ce n’est pas qu’il ne puisse y avoir quelques circonstances où la femme du consentement du mari semble obligée de le faire dans l’intérêt du mari lui-même. On raconte un fait de ce genre qui se serait passé à Antioche, il y a environ cinquante ans, sous le règne de Constance. Acyndinus, alors préfet et qui fut même consul, exigeait une livre d’or d’un débiteur du fisc. Cédant à je ne sais qu’elle émotion, péril assez ordinaire dans ces positions élevées, où tout est permis ou du moins passe pour l’être, il éclata en menaces violentes et déclara du ton le plus décidé que le débiteur serait puni de mort, s’il ne payait la somme au jour fixé. Comme celui-ci était enfermé dans une étroite prison et ne pouvait acquitter sa dette, le jour fatal approchait. Or il avait une femme fort belle, mais trop pauvre pour venir en aide à son mari. Un homme riche, épris de sa beauté et connaissant la situation fâcheuse de ce mari, lui envoya dire qu’il donnerait la livre d’or, si elle voulait se livrer à lui pendant une seule nuit. Sachant qu’elle n’avait pas puissance sur son corps mais bien son mari, elle répondit qu’elle était prête à faire ce qu’on demandait dans l’intérêt de son mari, pourvu que celui-ci, maître du corps de son épouse et à qui elle se devait tout entière, consentît à céder un bien qui lui était propre pour conserver sa vie. Le mari reconnaissant exigea qu’il en fût ainsi et ne pensa point qu’il y eût adultère, là où la passion n’agissait pas, mais seulement l’affection pour un époux, qui du reste en donnait la permission et même l’ordre. La femme se rendit à la maison de campagne du riche, fit ce que voulut cet impudique ; mais elle ne se livra ainsi qu’en vue de son mari, plus jaloux de la conservation de sa vie que de l’exercice de son droit conjugal. Elle reçut l’or : mais celui qui le lui avait remis l’enleva secrètement et y substitua un sac de même forme et rempli de terre. La femme s’aperçut de la fraude en rentrant chez elle, s’élança sur la place publique, et mue par le même principe d’attachement à son époux, proclama ce qu’elle avait été forcée de faire. Elle interpelle le préfet, avoue tout et dénonce la fraude dont elle est victime. Le préfet commence par reconnaître qu’il est le premier coupable, que ses menaces sont cause de tout le mal et se jugeant comme il eût jugé un autre, se condamna à payer de ses propres biens la livre d’or due au fisc et ordonna en même temps que la femme devînt propriétaire du domaine d’où avait été extraite la terre substituée à l’or. Je ne discute ici ni dans un sens ni dans l’autre ; c’est à chacun à prononcer : car ce trait n’est pas emprunté à des sources divines. Cependant après avoir entendu raconter ce fait, on n’éprouve plus pour l’action de cette femme, exigée d’ailleurs par le mari, la même horreur qu’on éprouvait auparavant, quand la question était posée en dehors de tout exemple. Mais ce qui ressort surtout de ce passage de l’Évangile, c’est l’énormité du péché de fornication énormité telle, qu’il forme la seule exception qui autorise à briser le lien si étroit du mariage. Or nous avons dit ce que c’est que la fornication.

==CHAPITRE XVII. DU SERMENT.== 51. « Vous avez encore entendu qu’il a été dit aux anciens : Tu ne te parjureras point, mais tu tiendras au Seigneur tes serments. Et moi je vous dis de ne jurer en aucune façon, ni par le ciel, parce que c’est le trône de Dieu ; ni par la terre, parce que c’est l’escabeau de ses pieds ; ni par Jérusalem, parce que tu ne peux rendre un seul de tes cheveux blanc ou noir. Que votre langage soit : Oui, oui ; non, non ; car ce qui est de plus vient du mal. » La justice des pharisiens se borne à ne point se parjurer ; elle est fortifiée par celle qui défend même de jurer, ce qui est le propre de la justice du royaume des cieux. De même en effet que celui qui ne parle pas ne saurait dire faux, ainsi celui qui ne jure pas ne saurait se parjurer. Cependant comme jurer c’est prendre Dieu à témoin, il faut examiner avec soin ce chapitre, de peur que