Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/399

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raison regardé comme connaissant la vérité il ne reste plus à tous ceux qui ont reçu cette connaissance, de sacrifice pour expier leurs péchés, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent plus être baptisés de nouveau. En même temps, ceux qui n’ont pas reçu l’enseignement nécessaire pour connaître la vérité, ne doivent pas pour cela croire que ce sacrifice puisse encore être offert pour eux si déjà cette offrande a eu lieu ; en d’autres termes, ceux qui ont reçu une première fois par le baptême le sacrement de la vérité, ne peuvent plus être baptisés de nouveau. Comme si nous disions : un homme n’est pas un quadrupède ; mais néanmoins tous les animaux qui ne sont pas hommes ne sont pas pour cela des quadrupèdes. Et en effet à l’égard de ceux qui ont déjà reçu le baptême, il est plus exact de dire qu’ils sont guéris par la pénitence, que de dire qu’ils reçoivent une vie nouvelle ; parce que le baptême seul donne cette vie. Il est vrai que la pénitence agit alors en eux, mais elle agit comme sur le fondement. Si longtemps donc que ce fondement demeure, l’édifice peut être réparé ; mais dès que l’on prétend renouveler ce fondement, il faut nécessairement détruire l’édifice tout entier. C’est pour cela que saint Paul, écrivant à ces Hébreux qui semblaient avoir quitté le Nouveau Testament pour retourner au sacerdoce de l’ancienne loi, leur disait : « Laissant donc l’enseignement élémentaire sur Jésus-Christ, portons nos regards vers ce qui est parfait, sans poser de nouveau le fondement de la pénitence des œuvres mortes, de la foi en Dieu, de la doctrine du baptême, de l’imposition de la main, de la résurrection même des morts et du jugement éternel[1]. » Si Saint Paul ne veut pas qu’on réitère ces dons, c’est qu’on les a reçus dans le baptême, c’est-à-dire dans la consécration des fidèles ; au lieu que s’il s’agit d’expliquer la parole de Dieu et d’enseigner sa doctrine, il faut répéter non pas une fois, mais un grand nombre de fois, et quand l’occasion le demande.

20. Est-ce un péché commis avec connaissance contre la personne même du Saint-Esprit ? — Mais ne pourrait-on pas dire encore : ce n’est pas quand on a commis un péché quelconque avec connaissance suffisante, mais bien quand avec la même connaissance on a commis un péché proprement dit contre le Saint-Esprit, qu’on doit être regardé comme ne pouvant plus obtenir de pardon ? Or, on peut à ce sujet demander si les Juifs savaient que Notre-Seigneur agissait par le Saint-Esprit, lorsqu’ils l’accusaient dans leurs blasphèmes de chasser les démons au nom du prince des démons[2] ? J’admire en effet comment ils pouvaient reconnaître en lui le Saint-Esprit, puisqu’ils ne savaient même pas que Notre-Seigneur fût le vrai Fils de Dieu ; car ils étaient alors dans cet aveuglement « dont une partie d’Israël reste frappée, jusqu’à ce que soit entré l’universalité des Gentils[3]. » Mais nous traiterons ce sujet en son lieu et avec plus d’opportunité, si le Seigneur nous en donne la grâce et le pouvoir. De plus, si le discernement des esprits doit être entendu en ce sens que chacun juge si c’est le Saint-Esprit ou l’esprit de mensonge qui agit dans chaque homme en particulier ; si d’autre part ce discernement est un don que le Saint-Esprit accorde aux fidèles à un certain moment déterminé, comme le même Apôtre le déclare en un autre endroit[4] : comment les Juifs infidèles pouvaient-ils, sans avoir reçu ce don, juger avec discernement si Notre-Seigneur agissait par le Saint-Esprit ? Et cependant ils ont mérité de justes châtiments quand ils ont donné des preuves tout à fait manifestes de leur haine contre lui, quand ils ont produit de faux témoins pour l’accuser[5], quand ils ont envoyé des espions pour le surprendre dans ses paroles[6], quand, après avoir entendu le récit des miracles redoutables qui avaient accompagné sa résurrection, ils se sont efforcés, en corrompant les gardes[7], de répandre des bruits mensongers, et de cacher la vérité ; enfin toutes les fois qu’ils ont donné des preuves de la malice et du venin de leur esprit, comme le récit évangélique le montre suffisamment.

21. Est-ce un blasphème contre les œuvres attribuées au Saint-Esprit ? — Ce qui précède semble donc nous faire entrevoir enfin que l’on pèche contre le Saint-Esprit quand on combat avec une malice formelle les œuvres accomplies par le Saint-Esprit. Car quoiqu’un homme ne sache pas si c’est le Saint-Esprit qui accomplit une œuvre qu’il déteste ; dès que cet homme est dans la disposition de ne pas vouloir que cette œuvre soit du Saint-Esprit, non point parce qu’elle est mauvaise, mais parce qu’elle est l’objet de sa haine, et parce que sa malice personnelle le rend ennemi de tout ce qui est bien, il doit être avec raison regardé comme coupable du péché contre le Saint-Esprit. Et cependant

  1. Héb. 6, 1-2
  2. Mt. 9, 34
  3. Rom. 11, 25
  4. 1 Cor. 12, 10
  5. Mt. 26, 59-60
  6. Mt. 22, 15-17
  7. Mt. 28, 13