Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/410

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vous a fascinés ? » Il ne leur parlerait pas de la sorte, si jamais ils n’avaient fait de progrès dans la vertu, s’il n’y avait en eux relâchement. « Vous aux yeux de qui le Christ a été proscrit, « après avoir été crucifié[1] » c’est-à-dire, vous qui avez vu le Christ Jésus perdre son héritage et son domaine. Ne lui enlevait-on pas effectivement son héritage, ne l’en chassait-on pas, lui le Seigneur souverain, quand de la grâce de la foi qui assure au Christ le domaine des peuples, on détachait les croyants pour les rattacher aux œuvres de la Loi, puisque la grâce et la foi lui accordaient le droit de demeurer en eux ? Or l’Apôtre veut montrer que cela est arrivé parmi ces Galates ; c’est pourquoi ces mots : « Vous sous les yeux de qui. » N’était-ce pas bien sous leurs yeux, puisque c’était en eux-mêmes ? Si après ces paroles : « Jésus-Christ a été proscrit ». Il ajoute : « Lui qui a été crucifié » c’est pour les toucher davantage en leur rappelant combien lui a coûté ce domaine qu’ils lui faisaient perdre ; ce qui était plus que de leur dire, comme un peu plus haut, qu’il était donc mort en vain, puisque c’était faire entendre qu’il n’était point parvenu à posséder ce qu’il.avaitpayé de son sang. Il est vrai, on enlève à un proscrit ; cette proscription toutefois ne nuit en, rien au Christ qui par sa divinité n’en reste pas moins le Seigneur de toutes choses ; mais elle nuit à son domaine qui n’est plus cultivé par sa grâce.
19. La Loi ancienne divisée est deux parties. – L’Apôtre commence, à partir d’ici, à montrer comment, sans les œuvres de la Loi, la, grâce de la foi suffit pour justifier. Il veut que personne ne puisse dire : Ce n’est pas aux œuvres légales que je rapporte toute la justification de l’homme mais je ne l’attribue pas non plus tout entière à la grâce de la foi ; le salut vient en même temps de la loi et de la foi. Pour traiter avec soin cette question et ne rien confondre, on doit savoir d’abord qu’il y a dans la loi deux sortes d’œuvres : les œuvres mystérieuses et les œuvres morales. Des œuvres mystérieuses font partie la circoncision de la chair, le sabbat matériel, les néoménies, les sacrifices et toutes les innombrables observances de ce genre. Aux œuvres morales se rapportent : « Tu ne tueras point, tu ne seras point adultère, tu ne feras point de faux témoignage[2] » et autres préceptes semblables. Est-il donc possible que l’Apôtre se soucie aussi peu qu’un chrétien sois homicide ou inoffensif, adultère ou chaste, qu’il se soucie peu de le savoir circoncis ou incirconcis Aussi est-ce surtout des œuvres mystérieuses qu’il s’occupe maintenant, tout en faisant entendre que parfois il y joint aussi – des œuvres morales. C’est vers la fin de son Épître qu’il parlera spécialement de ces dernières, et il le fera en peu de mots, au lieu qu’il traite plus longuement des autres. Les fardeaux dont il ne veut pas qu’on charge les Gentils sont donc les observances mystérieuses, dont l’utilité est qu’on en ait l’intelligence ; car lorsqu’on les explique aux chrétiens, c’est pour leur en faire comprendre le sens et non pour les obliger à les pratiquer. Si on n’a pas le sens de ces observances cérémonielles, elles ne sont qu’une servitude, c’est celle qui pesait et qui pèse encore sur le peuple Juif ; mais si tout à la fois on les pratique et on les comprend, non seulement elles ne sont pas nuisibles, elles sont même tant soit peu utiles, pourvu qu’elles soient en harmonie avec le temps où l’on vit ; c’est ainsi que s’y sont soumis Moïse et les Prophètes envoyés à l’époque convenable vers ce peuple à qui ce genre de servitude était nécessaire pour le maintenir dans la crainte. Rien en effet n’inspire à l’âme une pieuse terreur, comme une pratique mystérieuse dont elle ne comprend pas le sens ; mais une fois qu’elle le comprend, elle y trouve une sainte joie et s’en acquitte avec l’esprit de liberté, si cette observance est en rapport avec l’époque. N’y est-elle plus en rapport ? On en lit et on en explique toujours le sens avec un plaisir tout spirituel. Ajoutons que le sens d’une observance cérémonielle se rapporte ou à la contemplation de la vérité, ou aux bonnes mœurs. La contemplation de la vérité n’a trait qu’à l’amour de Dieu ; les bonnes mœurs comprennent l’amour de Dieu et l’amour du prochain, les deux commandements auxquels se rattachent toute la Loi et les Prophètes[3]. Maintenant donc voyons comment la circoncision charnelle et les autres observances légales du même genre ne sont pas nécessaires avec la grâce de la foi.
20. L’Esprit-Saint donné en dehors des observances légales[4]. – Je voudrais seulement savoir de vous ceci : Est-ce par les œuvres de la loi que vous avez reçu l’Esprit, ou par l’audition

  1. Gal. 3,1
  2. Ex. 20, 13-16
  3. Mt. 22, 37-40
  4. Gal. 3, 2-9