Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/550

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que le monde adopta cette religion ; tous se convertirent à cet Évangile, hommes et femmes, jeunes et vieux, savants et ignorants, sages et insensés, forts et faibles, nobles et plébéiens, grands et petits ; et l’Église s’étendit chez toutes les nations au point que pas une secte opposée à la foi catholique, pas une sorte d’erreur ne s’élève, assez ennemie de la vérité chrétienne pour ne pas affecter et ambitionner de se couvrir du nom du Christ. Or le Christianisme parviendrait-il à se répandre ainsi sur la terre, si la contradiction elle-même ne faisait ressortir la pureté de la véritable doctrine ?

Comment ce crucifié aurait-il acquis tant de puissance, s’il n’eût été un Dieu incarné, quand même il n’eût point fait prédire un tel avenir par ses prophètes ?

Mais comme ce grand mystère a eu ses prophètes et ses hérauts, qui l’ont prédit par l’inspiration divine, et qu’il s’est accompli comme il avait été prédit ; qui sera assez insensé pour dire que les apôtres ont menti en prêchant le Christ dont ils ont annoncé la venue comme les prophètes l’avaient prédite ? Et ces apôtres eux-mêmes, les prophètes en avaient aussi parlé d’avance, conformément à la vérité ; car c’est d’eux qu’ils ont dit : « Il n’est point de discours, point de langage, dans lequel on n’entende leurs voix ; le bruit s’en est répandu dans tout l’univers, il a retenti jusqu’aux extrémités de la terre[1]. » C’est ce que nous voyons certainement réalisé dans le monde, bien nous n’ayons pas encore vu le Christ dans sa chair. De quelle étrange folie faut-il donc être aveuglé, ou quelle incroyable obstination, quelle âme de fer ne faut-il pas pour refuser de croire aux saintes Écritures qui ont prédit cette conversion de l’univers entier ?



Chapitre VIII — Exhortation à persévérer dans la foi

11. Quant à vous ; mes bien-aimés, qui possédez cette foi ou qui venez de la recevoir, paisse-t-elle se développer et s’accroître en vous ? Comme les évent monts prédits pour le temps se sont accomplis, ainsi se réaliseront les promesses éternelles. Ne vous laissez tromper ni par les superstitieux païens, ni par les Juifs menteurs, ni par les perfides hérétiques, ni même par les mauvais chrétiens qui vivent au sein de l’Église catholique, et sont d’autant plus coupables qu’ils sont des ennemis domestiques. Du reste pour ne pas laisser s’ébranler les faibles, la prophétie divine n’est point restée muette sur ce point : car, dans le Cantique des cantiques, l’époux parlant à l’épouse, c’est-à-dire le Christ à l’Église, lui dit : « Comme le lis au milieu des épines, ainsi ma bien-aimée s’élève au dessus des jeunes filles[2]. » Il ne dit pas : au milieu des étrangères, mais : « au milieu des jeunes filles. — Entende, celui qui a des oreilles pour entendre, » et pendant qu’on tire au rivage, c’est-à-dire à la fin des siècles, le filet qui a été jeté à la mer et qui recueille toute espèce de poissons, qu’on ait soin de s’éloigner des poissons mauvais ; de s’en séparer, non de corps, mais de cœur, non en brisant les saints filets, mais en réformant ses mœurs ; de peur qu’en se croyant maintenant des hommes éprouvés mêlés aux réprouvés, on n’aboutisse aux châtiments éternels, et non à l’éternelle vie, quand la séparation dernière se fera sur le rivage[3].


Opuscule traduit par M. l’abbé Devoille.

  1. Ps. XVIII, 4, 5.
  2. Cant. II, 2.
  3. Matt., XIII, 9.