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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/185

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au démon ! Pourquoi ? « Nous l’avons vu et il n’avait ni éclat ni beauté. » De quel éclat ne brille-t-il pas dans ce sanctuaire intérieur où ne pénètre point l’œil ! « Au commencement était le Verbe et le Verbe était en Dieu et le Verbe était Dieu[1]. Quelle est encore sa beauté ? Il avait la nature de Dieu et il n’a point regardé « comme une usurpation de s’égaler à Dieu[2]. »
4. Mais où a-t-il paru sans éclat et sans beauté ? « Et il était sans éclat, il avait la face abjecte et l’attitude difforme aux yeux de tous les hommes. Homme de plaies. » Couvert de plaies il est homme, auparavant il est Dieu, après il est homme-Dieu. « Homme de plaies et qui sait supporter les infirmités. » Les infirmités de qui ? De ceux mêmes qui le torturent. C’est le médecin qui souffre des infirmités du frénétique. Aussi quand on le crucifiait, il priait en disant : « Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font[3]. » Ah ! n’oubliez point, mais aimez l’Époux. Plus il nous semble difforme, plus il nous doit être cher, plus il est aimable pour son épouse. « C’est pourquoi il s’est détourné. » Il s’est détourné pour n’être pas reconnu de ceux qui le crucifiaient. « Sa face a été couverte d’outrages et méprisée. »
5. « Il supporte nos infirmités, pour nous il est livré à la douleur ; et nous l’avons contemplé en proie aux souffrances, chargé de plaies et de châtiments. Mais c’est à cause de nos péchés qu’il a été blessé, à cause de nos iniquités qu’il a été meurtri. Le supplice qui devait nous assurer la paix est tombé sur lui et nous avons été guéris par ses meurtrissures. Nous nous sommes tous égarés comme des brebis errantes, et le Seigneur l’a sacrifié pour nos crimes. » Est-ce ici l’Évangile ou une prophétie ? Qu’objectent les Juifs ? N’est-il pas étrange qu’ils entendent cela, qu’ils l’aient entre les mains, qu’ils le lisent, qu’ils ne puissent appliquer ces traits qu’à Celui dont la gloire se publie avec l’Évangile dans tout l’univers, et que cependant ils ne soient pas encore chrétiens et demeurent plongés dans l’aveuglement en face de prophéties aussi claires ? Mais pourquoi s’étonner de l’aveuglement des Juifs en ce qui concerne le Christ ? Ce qui s’applique à lui passe et le prophète commence à parler aussi de son Église. Si donc tu ne t’expliques point l’aveuglement des Juifs en face de l’Époux ; comment t’expliquer l’aveuglement des hérétiques en face de l’Épouse ?
6. Maintenant toutefois contemplons avec surprise l’aveuglement des Juifs. « Le Seigneur l’a sacrifié pour nos crimes, et lui, malgré les mauvais traitements, n’a pas ouvert la bouche. Comme une brebis il a été conduit à l’immolation ; et comme l’agneau silencieux sous la main qui le tond, il a gardé le silence. Son jugement a été enlevé au milieu des humiliations. » Et pour détourner ton dédain : « Qui racontera sa génération ? » Laquelle ? « Je t’ai engendré avant l’aurore [4]. ». Voilà là première. « Avant l’aurore », avant tous les siècles créés ; avant tous les anges, avant toute créature. Pourquoi ? Parce que « tout a été fait par lui[5]. » Mais ne peut-on raconter sa seconde génération ? Qui le pourrait ? Il est conçu par la seule foi, et il sort du sein de sa mère comme un époux du lit nuptial[6]. Cette génération aussi est donc admirable. Elle est admirable parce qu’il y est sans père, comme la première est admirable parce qu’il y est sans mère.« Comme une brebis il a été conduit à l’immolation, et comme l’agneau sous la main qui le tond il a gardé le silence. Son jugement a été enlevé au milieu des opprobres. Qui racontera sa génération ? Car sa vie sortira de la terre. » C’est la prophétie de la résurrection. Vous voyez donc que le Seigneur disait avec vérité, et comment la Vérité même pouvait-elle parler autrement ? « Il est écrit de moi dans la Loi, dans les Prophètes et dans les Psaumes. Car il fallait que le Christ souffrit et ressuscitât. » Vous avez appris cela, et vous venez encore d’entendre parler de sa résurrection : « Car sa vie sortira de la terre. »
Il faut de plus : « Qu’on prêche en son nom la pénitence et la rémission des péchés parmi toutes les nations, à commencer par Jérusalem.[7]. » Vous l’apprendrez aussi du prophète que nous expliquons. Non que nous devions le préférer au Seigneur ; le prophète est le héraut qui précède, le Seigneur, le juge qui le suit. Le héraut ne publiait point ses propres paroles mais celles du juge ; et le juge en le suivant montra que c’était vraiment les siennes. « Sa vie sortira de la terre. Les iniquités de mon peuple l’ont conduit à la mort. » Vous l’entendiez tout-à-l’heure demander : Que vous ai-je fait ? Condamnez-moi si vous avez en moi découvert quelque faute. Et eux : « Crucifiez, crucifiez-le[8]. » Ils le croyaient un homme, mais pourtant un homme innocent. C’est ainsi qu’« il

  1. Jn. 1, 1
  2. Phil. 2, 6
  3. Lc. 23, 34
  4. Ps. 109, 3
  5. Jn. 1, 3
  6. Ps. 18, 6
  7. Lc. 24, 44, 46-47
  8. Jn. 19, 6