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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/256

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nous pas conclure que c’est le Père aussi qui est né de la Vierge Marie, le Père qui a souffert sous Ponce-Pilate, le Père qui est ressuscité et monté au ciel ? – Non. Nous ne tenons pas ce langage, parée qu’il n’est pas conforme à notre foi. « J’ai cru, est-il dit ; c’est pourquoi j’ai parlé ; nous aussi nous croyons et c’est pourquoi nous parlons[1]. » Que nous dit la foi ? Que le Fils, et non le Père, est né de la Vierge. Que dit-elle encore ? Que le Fils, et non le Père, a souffert et est mort sous Ponce-Pilate. J’oubliais de remarquer qu’il est des hommes, peu intelligents, connus sous le nom de Patripassiens. Ils affirment que c’est le Père qui est né d’une femme et qui a souffert, que le Fils n’est autre chose que le Père ; deux noms, mais une seule personne. Or pour les empêcher de séduire qui que ce soit, pour qu’ils ne pussent contester que hors de son sein, l’Église catholique les a retranchés de la communion des fidèles.

7. Rappelons maintenant à votre souvenir la difficulté de la question. Vous avez avancé, peut-on me dire, que le Père ne fait rien sans le Fils, ni le Fils sans le Père ; vous avez cité l’Écriture ; le Père ne fait rien sans le Fils, avez-vous dit, car c’est par le Fils que tout a été fait ; et rien n’est gouverné sans le Fils, car il est la Sagesse du Père, atteignant avec force d’une extrémité à l’autre et disposant tout avec douceur. Mais n’êtes-vous pas maintenant en contradiction avec vous-même ? Le Fils, dites-vous, est né d’une vierge, et non le Père ; le Fils a souffert, le Fils est ressuscité, mais non le Père. Ainsi le Fils fait quelque chose que ne fait pas le Père. De deux choses l’une : avouez que le Fils agit quelquefois sans le Père, ou bien avouez que le Père est né aussi, qu’il a souffert, qu’il est mort et qu’il est ressuscité. Il n’y a point de milieu, il faut l’un ou l’autre : – Eh bien ! je ne veux ni l’un ni l’autre. Je n’avouerai pas que le Fils fait quelque chose sans le Père, car ce serait mentir ; je n’avouerai par non plus que le Père est né, qu’il a souffert, qu’il est mort et qu’il est ressuscité : ce serait mentir également. Comment, dira-t-on, vous tirer de cet embarras ?

8. Vous aimez cette question telle qu’elle est proposée ; que Dieu m’accorde la grâce que vous l’aimiez aussi telle qu’elle sera résolue. C’est-à-dire, qu’il nous tire de peine, vous et moi ; car sous l’étendard du Christ nous avons la même foi, nous vivons sous le même Seigneur dans la même maison ; membres du même corps nous dépendons du même Chef et nous sommes animés du même souffle. Afin donc que le Seigneur délivre des embarras de cette difficile question, soit vous qui m’entendez, soit moi qui vous parle ; voici ce que je dis : Le Fils, et non le Père, est né de la Vierge Marie ; mais cette naissance est l’œuvre du Père et du Fils. Le Père n’a point enduré la passion, c’est le Fils ; mais cette passion est l’œuvre du Père et du Fils. Le Père n’est pas ressuscité, c’est le Fils ; mais la résurrection aussi est l’œuvre du Père et du Fils.

Il semble donc que la question soit résolue. Cependant l’est-elle dans l’Écriture autant que dans mes paroles ? Je dois donc démontrer, par le témoignage des livres saints, que la naissance du Fils, que sa passion et sa résurrection sont l’œuvre du Père et du Fils ; que si le Fils seul a été le sujet de ces trois évènements, la cause en est, non pas uniquement dans le Père, ou dans le Fils uniquement, mais dans le Père et le Fils tout ensemble. Prouvons chacune de ces assertions, vous êtes juges, la cause dont il s’agit est expliquée, faisons paraître les témoins. Que votre tribunal me dise maintenant comme on dit aux plaideurs : Prouve ce que tu avances. Avec l’aide du Seigneur je le prouve clairement, je vais produire des passages du code céleste ; et si vous vous êtes montrés attentifs à la proposition, soyez plus attentifs encore à ce qui en fait voir la vérité.

9. Je dois m’arrêter d’abord à la naissance du Fils et démontrer qu’elle est l’œuvre du Père et du Fils, quoique le Fils seul en soit le sujet. Je produis ici l’autorité de Paul, cet habile docteur en droit divin. Il est aujourd’hui des avocats qui citent ce grand homme pour envenimer les disputes et non pour mettre fin aux contestations ; je le cite, moi, pour établir la paix et non pour exciter la guerre. Montrez-nous, saint Apôtre, comment la naissance du Fils est l’œuvre du Père. « Lorsqu’est venue la plénitude du temps, dit-il, Dieu a envoyé son Fils, formé d’une femme, soumis à la loi, pour racheter ceux qui étaient sous la loi[2]. » Vous avez entendu et vous avez compris, rien de plus clair, de plus évident. C’est le Père qui a fait naître son Fils d’une vierge. La plénitude du temps étant venue, « Dieu a envoyé son Fils », le Père a envoyé le Christ. Comment l’a-t-il envoyé ? Il l’a envoyé « formé d’une femme, soumis à la Loi. » C’est

  1. 2Co. 4, 13
  2. Gal. 4, 4-5