Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/267

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ce, point le bas, fixé dans la terre ? Ainsi est cachée et comme dérobée à la vue, la grâce divine. On ne la voit pas, mais c’est d’elle que part tout ce que l’on voit. Maintenant donc, si tu fais entrer tout ceci non-seulement dans ton intelligence mais encore dans ta conduite, « et l’intelligence en est donnée à ceux qui s’y conforment [1] ; » travaille alors, si tu en es capable, à connaître cette charité du Christ, qui surpasse toute science ; et lorsque tu la connaîtras, tu seras rempli de toute la plénitude de Dieu ; et ce sera face à face. Oui tu seras rempli de toute la plénitude de Dieu, car Dieu même te remplira sans que tu le remplisses. Cherche donc maintenant, s’il est possible, quelque face corporelle ? Loin d’ici les vains fantômes. Enfant, jette ces jouets et occupe-toi de choses sérieuses. Nous aussi nous sommes souvent des enfants, et lorsque nous l’étions davantage encore, nos aînés ont su nous supporter. « Recherchez avec tous la paix et la sainteté, sans laquelle personne ne verra Dieu [2]. » Elle aussi purifie le cœur, parce qu’elle implique la foi qui agit par la charité. Ainsi donc « Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu. »


SERMON LIV. PURETÉ D’INTENTION[3].

ANALYSE. – Ce petit discours est simplement la conciliation de ces deux passages de l’Évangile : « Que votre lumière brille devant les hommes », et : « Gardez-vous de faire votre justice devant les hommes,[4]. » Ce que Jésus-Christ commande, c’est d’édifier le prochain par les bonnes œuvres ; ce qu’il défend, c’est de chercher la gloire en faisant le bien. Saint Augustin montre par l’examen du texte même que tel est le sens de ces deux passages.


1. Plusieurs s’étonnent, mes amis, qu’après avoir dit dans le grand discours de l’Évangile « Que votre lumière brille devant les hommes, de « façon qu’ils voient vos bonnes œuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux ; » Jésus-Christ Notre-Seigneur ait dit en ensuite : « Gardez-vous de faire votre justice devant les hommes pour en être considérés. » Ici se trouble un esprit peu ouvert et désireux d’obéir aux préceptes divins ; il flotte en sens divers et opposés. N’est-il pas aussi impossible d’obéir à un seul maître, donnant des ordres contraires, que de servir deux maîtres, comme le déclare le Sauveur dans ce même discours[5] ? Que fera ici l’âme incertaine, partagée entre ce qu’elle croit l’impossibilité d’obéir et la crainte de n’obéir pas ? Si elle fait ses œuvres au grand jour, si elle les fait voir aux hommes pour accomplir ce commandement : « Que votre lumière brille devant les hommes, de façon qu’ils voient vos bonnes œuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux ; » elle se croit coupable d’avoir violé le précepte suivant : « Gardez-vous de faire votre justice devant les hommes pour en être considérés. » Si d’autre part, pour échapper à cette faute elle cache ses vertus, elle croit ne pas obéir à cet ordre : « Que votre lumière brille devant les hommes, de façon qu’ils voient vos bonnes œuvres. »
2. Celui, néanmoins qui comprend le sens de ces deux préceptes, les accomplit tous deux ; il sert ainsi le Seigneur de l’univers, lequel ne condamnerait point le serviteur paresseux, s’il commandait l’impossible. Écoutez Paul, écoutez ce serviteur de Jésus-Christ, appelé à l’apostolat et séparé pour l’Évangile de Dieu, il accomplit et enseigne l’un et l’autre commandement. Voyez d’abord comment sa lumière brille devant les hommes, comment il montre à ceux-ci ses bonnes œuvres. « Nous nous recommandons nous-mêmes, dit-il, à toute conscience d’homme, devant Dieu [6]. » Il dit encore. « Nous tâchons de faire le bien, non-seulement devant Dieu mais aussi devant les hommes[7]. » Et ailleurs : « Plaisez à tous en toutes choses, comme en toutes choses je plais à tous\x + xt 1 Cor. 10, 33]]</ref>. » Voyez d’un autre côté comment il se garde de pratiquer sa justice devant les hommes, pour en

  1. Ps. 110, 10
  2. Héb. 12, 14
  3. Mt. 5, 16 ; 6, 1
  4. Ibid
  5. Id. 6, 24
  6. 2 Cor. 4, 2
  7. Id. 8, 21