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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/280

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Dieu s’accomplira dans la terre comme au ciel. Pensons à tout cela et sollicitons tout cela de notre Père, lorsque nous lui adressons cette demande. Tout ce que je viens d’expliquer, mes chers amis, ces trois demandes ont rapport à l’éternelle vie. Car c’est pour l’éternité que le nom de notre Dieu doit être sanctifié en nous ; pour l’éternité qu’arrivera son royaume où nous vivrons toujours ; pour l’éternité enfin que sa volonté s’accomplira au ciel et sur la terre pie toutes les façons que j’ai expliquées.
7. Restent donc les demandes relatives au temps de ce pèlerinage. Voici la première : « Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien. » Donnez-nous les biens éternels, donnez-nous aussi les choses temporelles. Vous nous avez promis un royaume, ne nous refusez pas de quoi subsister. Vous, nous donnerez près de vous une gloire éternelle, donnez-nous sur la terre la nourriture corporelle. De là ces mots : quotidien, aujourd’hui, c’est-à-dire pendant tout le temps actuel. Demanderons-nous encore après cette vie notre pain quotidien ? Alors on ne dira plus chaque jour, mais aujourd’hui. Maintenant on dit chaque jour parce que les jours passent et se succèdent. Dira-t-on chaque jour, lorsqu’il n’y aura plus qu’un seul jour, le jour éternel ? Il faut entendre de deux manières cette demande relative au pain quotidien ; il faut y voir ce qui est nécessaire à la vie charnelle, et ce qui est nécessaire à la vie spirituelle. Ce qui nous est indispensable pour la vie de chaque jour regarde d’abord la nourriture corporelle, puis le vêtement. Mais on prend la partie pour le tout, et en demandant le pain nous entendons tout le reste. Les fidèles savent aussi qu’il y a un aliment spirituel qu’on vous fera connaître lorsque vous devrez le recevoir à l’autel de Dieu. Cet aliment sera aussi votre pain quotidien, car il est nécessaire dans cette vie. Recevrons-nous l’Eucharistie lorsque nous serons réunis au Christ et que nous commencerons à régner avec lui pour l’éternité ? Elle est donc notre pain quotidien ; mais en prenant ce pain, ne nous contentons pas de nourrir notre corps, nourrissons principalement notre âme. La vertu propre à ce divin aliment est une force d’union ; elle nous unit au corps du Sauveur et fait de nous ses membres, afin que nous devenions ce que nous recevons. Ce sera alors véritablement notre pain quotidien. Ce que je vous explique maintenant est aussi notre pain quotidien ; ce pain quotidien est encore dans les lectures que vous entendez chaque jour à l’Église, dans les hymnes que l’on chante et que vous chantez. Tout cela est nécessaire à notre pèlerinage. Lorsque nous serons parvenus au terme, lirons-nous encore des livres ? Ne verrons-nous pas le Verbe, ne l’entendrons-nous pas, ne le mangerons-nous pas, ne le boirons-nous pas, comme font maintenant les Anges ? Et les Anges ont-ils besoin de livres, de commentateurs ou de lecteurs ? Nullement ; car leur lecture consiste à regarder, et ils voient la vérité même ; ils s’abreuvent à cette source profonde dont nous recevons quelques gouttes. C’est assez sur le pain quotidien ; cette demande est nécessaire durant la vie présente.
8. « Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. » Cette demande est-elle nécessaire ailleurs qu’ici ? Là en effet nous n’aurons plus de dettes ; et les dettes sont-elles autre chose que les péchés ? Vous allez être baptisés, et tous vos péchés seront effaces alors, sans qu’il vous en reste absolument aucun. Tout le mal que vous pouvez avoir fait par actions, par paroles, par désirs et par pensées, sera complètement anéanti. Mais si dans la vie que vous mènerez ensuite il n’y avait rien à craindre, on ne nous apprendrait pas à répéter : « Pardonnez-nous nos offenses. » Ayons soin toutefois d’accomplir ce qui suit : « Comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ». Vous donc, vous surtout qui allez entrer dans le bain sacré pour y recevoir le pardon entier de tous vos péchés, prenez garde de conserver dans vos cœurs du ressentiment contre autrui ; travaillez à sortir du baptême avec paix, libres et déchargés de toute dette ; ne cherchez pas à vous venger des ennemis qui auparavant vous ont fait quelques torts. Pardonnez comme on vous par – u donne. Dieu n’a fait tort à personne ; et sans rien devoir il pardonne. Comment ne doit pas pardonner celui à qui on pardonne, quand Celui qui n’a pas besoin de pardon, pardonne tout sans réserve ?
9. « Ne nous induisez pas en tentation, mais délivrez-nous du mal. » Cette demande aussi sera-t-elle nécessaire dans cette autre vie ? Pour dire : « Ne nous induisez pas en tentation », il faut pouvoir être exposé à quelque tentation. Nous lisons au saint livre de Job : « La vie humaine n’est-elle pas une tentation sur la terre [1] ? »

  1. Jb. 7, 1