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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/287

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d’aumônes. Quelles sont ces aumônes ? « Pardonnez, et on vous pardonnera ; donnez, et on vous donnera [1]. » Une aumône se fait dans le cœur, lorsqu’on pardonne à son frère ses offenses ; une autre se fait avec le bien, quand on donne du pain au pauvre. Fais les deux, pour qu’une aile ne manque pas à ta prière.
11. Aussi après avoir dit : « Ne nous induisez pas en tentation », on ajoute : « Mais délivrez-nous du mal. » En demandant à être délivré du mal, on témoigne qu’on y est livré. C’est pourquoi l’Apôtre dit : « Rachetez le temps, car les jours sont mauvais[2]. » Mais « qui veut la vie ? qui soupire après les jours de, bonheur[3] ? » Eh ! qui ne les désirerait, puisque dans cette vie il n’y a que des jours mauvais ? Fais donc, ce qui suit : « Préserve la langue du mal, et tes lèvres des discours artificieux ; évite le mal et pratique le bien, cherche la paix et la poursuis ; » ainsi tu n’as plus de jours mauvais, et tu obtiens ce que tu as demandé : « Délivrez-nous du mal. »
12. Ainsi donc les trois premières demandes « Que votre règne arrive, que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel, que votre nom soit sanctifié », concernent l’éternité ; et à cette vie se rapportent les quatre suivantes : « Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien. » Demanderons-nous ce pain lorsque près de Dieu nous serons rassasiés ? « Pardonnez-nous nos offenses : » dirons-nous cela dans ce royaume où nous n’aurons plus de péchés ? « Ne nous livrez pas à la tentation : » quand il n’y aura plus de tentation, quel sens auraient ces paroles ? Et quand pour nous il n’y aura plus de mal, dirons-nous : « Délivrez-nous du mal ? » Ces quatre demandes sont donc nécessaires pour noire vie de chaque jour, et les trois autres pour la vie éternelle. Mais faisons-les toutes pour parvenir à cette vie ; prions ici pour n’en être pas exclus. Vous devrez, après votre baptême, réciter chaque jour cette oraison dominicale. On la dit chaque jour à l’autel du Seigneur où les fidèles l’entendent. Aussi ne craignons-nous pas que vous ne la sachiez peu exactement ; ceux d’entre vous qui ne pourraient la savoir encore parfaitement, l’apprendront en l’entendant chaque jour.
13. Samedi prochain, pendant les veilles que nous célébrerons par la miséricorde de Dieu, vous réciterez, non pas l’Oraison, mais le Symbole. Il faut que maintenant vous sachiez ce Symbole, car vous ne l’entendez pas chaque jour à l’église, dans l’assemblée sainte. Et afin ne pas l’oublier une fois que vous le savez, récitez-le chaque jour. En vous éveillant, en allant prendre votre sommeil, récitez votre symbole, récitez-le devant Dieu, rappelez vos souvenirs, ne vous lassez point de le répéter. Cette répétition est utile, elle est propre à empêcher l’oubli. Ne dites point : Je l’ai récité hier, je l’ai récité aujourd’hui, chaque jour je le récite et je le possède parfaitement. Remets-toi devant les yeux l’abrégé de ta foi, regarde-toi dans ce miroir, car ton Symbole doit être pour toi comme un miroir. Examine si tu crois sincèrement ce que tu fais profession de croire, et jouis chaque jour du bonheur d’avoir la foi. Que ce soient là tes richesses et comme les vêtements spirituels de ton âme. N’as-tu pas soin de t’habiller en te levant ? Couvre aussi ton âme en te rappelant le Symbole ; crains que l’oubli ne la mette à nu, que tu ne demeures sans vêtement, et, ce qu’à Dieu ne plaise, qu’il ne t’arrive ce que dit l’apôtre, d’être dépouillé plutôt que nu[4]. Notre foi en effet nous servira de vêtement ; pour nous elle sera à la fois et une tunique et une cuirasse ; une tunique pour nous préserver de la confusion, et une cuirasse pour nous tenir en garde contre l’adversité. Mais quand nous serons arrivés au lieu où nous devons régner, nous n’aurons plus besoin de réciter le Symbole : nous verrons Dieu, Dieu même sera en face de nous, et cette vue de Dieu sera la récompense de notre foi.

  1. Luc. 6, 37-38
  2. Eph. 5, 16
  3. Psa. 33, 13-14
  4. 2 Co. 5, 3