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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/302

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rapproché par le cœur et qui a mérité mes éloges, « beaucoup viendront d’Orient et d’Occident. » – « Beaucoup » et non pas tous, viendront d’Orient et d’Occident ; » ou de tout l’univers c’est ici le tout désigné par deux parties. « Beaucoup viendront d’Orient et d’Occident et auront place dans le royaume des cieux avec Abraham, Isaac et Jacob ; tandis que les enfants du royaume seront jetés dans les ténèbres extérieures. – Les enfants du royaume », c’est-à-dire les Juifs. D’où leur vient cette dénomination ? De ce qu’ils ont reçu la loi, de ce que les Prophètes leur ont été envoyés, de ce qu’ils possédaient le temple et le sacerdoce, de ce qu’ils célébraient figurativement tous les mystères futurs. Mais lorsque s’est présentée la réalité de ces mystères, ils ne l’ont point reconnue. Aussi ces « enfants du royaume seront-ils jetés dans les ténèbres extérieures, où il y aura pleur et grincement de dents. » Ne voyons-nous pas maintenant les Juifs réprouvés, les Chrétiens appelés, de l’Orient et de l’Occident, à un banquet céleste, pour avoir place avec Abraham, Isaac et Jacob, pour se nourrir de la justice et s’abreuver de la sagesse ?
7. Considérez bien, mes frères ; voilà votre histoire : c’est vous qui faites partie de ce peuple annoncé alors et formé aujourd’hui. Vous êtes du nombre de ces hommes qui ont été appelés d’Orient et d’Occident à prendre place dans le royaume des cieux et non dans un temple d’idoles. Soyez donc le corps du Christ et non la foule qui le presse. Pour vous guérir du flux de sang, en d’autres termes, de l’épanchement honteux des plaisirs charnels, vous pouvez toucher la frange de sa robe, oui, vous pouvez la toucher. Représentez-vous les Apôtres comme étant la robe même du Christ ; ils la forment, en s’attachant à lui comme un tissu merveilleusement uni ; et parmi eux celui qui s’appelle « le plus petit des Apôtres[1] », forme en quelque sorte la frange, car la, frange est la plus faible partie et l’extrémité du vêtement. On regarde donc avec dédain cette frange mystérieuse, mais à son contact on trouve le salut. « Jusqu’à cette heure nous souffrons et la faim et la soif, nous sommes nus et déchirés à coups de poing[2]. » Est-il rien de plus extrême, de plus méprisable ? Touche néanmoins, si tu es travaillé du flux de sang : de Celui à qui appartient cette robe il sortira une vertu qui te guérira. Or on nous montrait cette frange à toucher lorsqu’on lisait de cet Apôtre : « Car si quelqu’un voit celui qui a la science assis dans un temple d’idoles, sa conscience, qui est faible, ne le portera-t-elle pas à manger des viandes sacrifiées ? Ainsi, avec ta science, périra ton frère encore faible, pour qui le Christ est mort [3]? » Comment se fait-il que l’on soit encore dupe des idoles et qu’on les croie honorées par des Chrétiens ? – Dieu connaît mon cœur, dit ce Chrétien. – Mais ton frère ne le connaît pas. Si tu es faible, crains de le devenir davantage ; si tu ne l’es pas, prends soin de la faiblesse de ton frère. En te voyant on est porté à faire plus ; on désire bientôt, non seulement manger, mais sacrifier dans ce temple d’idoles. Et avec ta science péril ton frère encore faible. Écoute, frère, tu ne faisais aucune attention à cet homme faible ; mais ton frère, le dédaigneras-tu également ? Réveille-toi. Et si tu allais jusqu’à offenser le Christ lui-même ? Tu ne saurais cependant le mépriser à aucun titre, fais-y attention. « Or, péchant de la sorte contre vos frères, poursuit l’Apôtre, et blessant leur conscience faible, vous péchez contre le Christ[4]. » Allez maintenant, vous qui ne tenez aucun compte de cette défense, attablez-vous près des idoles. Ne serez-vous pas du nombre de ceux qui pressent le Christ au lieu de le toucher avec foi ? De plus, après avoir mangé près de ces faux dieux, venez et remplissez l’église ; vous y ferez foule, mais vous n’y recevrez pas le salut.
8. Je crains, diras-tu, d’indisposer un supérieur. – Oui, crains d’offenser un supérieur, et tu n’offenseras pas Dieu. Car en redoutant de manquer à un supérieur, examine si au-dessus de celui-ci n’est pas un supérieur plus élevé, et prends garde de blesser ce dernier. Voilà la règle à suivre. N’est-il pas évident, en effet, que le plus grand doit être le moins outragé ? Considère maintenant quels sont tes supérieurs. Les premiers sont ton père et ta mère. S’ils t’élèvent bien, s’ils te donnent une éducation chrétienne, il faut les écouter en tout, obéir à tous leurs ordres. Qu’ils ne commandent rien contre un supérieur plus élevé, et qu’on leur soit soumis. – Et qui est au-dessus de celui qui m’a donné le jour ? – Celui qui t’a créé. L’homme engendre, et Dieu crée. L’homme ne sait ni comment il engendre ni ce qu’il engendre. Celui donc qui t’a connu pour te former et avant de te former, est plus grand que ton père. La patrie elle-même doit être préférée à tes parents, et on ne doit pas leur obéir dans ce qu’ils

  1. 1 Co. 15, 9
  2. 1 Co. 4, 11
  3. 1 Co. 8, 10, 11
  4. 1 Co. 12