Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/338

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Quant au blasphème contre l’Esprit-Saint lui-même, quant à ce blasphème qui fait que l’on résiste avec un cœur impénitent jusqu’à la fin de cette vie, à ce Don ineffable et divin, il est irrémissible. Fût-on rebelle à la vérité jusqu’à lutter contre l’enseignement que Dieu nous adresse non par le ministère des prophètes mais par l’organe de son Fils unique, à qui il a ordonné de devenir Fils de l’homme pour nous parler par sa bouche ; on en obtiendra le pardon pourvu que l’on se repente et que l’on s’attache à la divine Bonté. Plus désireux en effet de la conversion et de la vie du pécheur que de sa mort[1], le Seigneur a donné l’Esprit-Saint à son Église afin que les péchés fussent remis à qui elle les remettrait en son nom. Mais avoir en aversion cette grâce jusqu’à ne la demander point avec un cœur pénitent, jusqu’à y opposer même l’opiniâtreté de l’impénitence, c’est un crime impardonnable, non point précisément parce que c’est un crime, si grand qu’il soit, mais parce que c’est un mépris du pardon, une résistance même à cette grâce, une parole contre le Saint-Esprit. On pèche ainsi contre lui, lorsque jamais on ne quitte une secte pour rentrer dans la société qui a reçu l’Esprit-Saint, afin d’effacer les péchés. Mais fut-on reçu dans cette société par un mauvais ecclésiastique, par un réprouvé et un hypocrite, pourvu néanmoins qu’il soit ministre catholique et que soi-même on agisse avec sincérité, on y reçoit par la vertu du Saint-Esprit le pardon de ses péchés. Car aujourd’hui même, que la sainte Église est foulée comme le serait l’aire où la paille se mêle au bon grain, l’Esprit de Dieu y agit de manière à ne rejeter aucun aveu sincère ; à n’être dupe d’aucune hypocrisie et à fuir les réprouvés sans laisser toutefois d’employer leur ministère à recueillir les élus.
Le seul moyen d’empêcher le blasphème de devenir impardonnable, est donc d’éviter l’impénitence du cœur et de ne croire à l’efficacité du repentir qu’au sein de l’Église, où s’accorde le pardon dès péchés et où l’on maintient l’union de l’Esprit par le lien de la paix.
38. Autant que je l’ai pu, si toutefois j’ai pu quelque chose, j’ai traité par la miséricorde et avec le secours du Seigneur, cette ardue question. Ce que toutefois je n’ai su comprendre parmi tant de difficultés, on doit l’attribuer, non pas à la vérité, qui exerce avec fruit, même en se cachant, les esprits religieux ; mais à ma faiblesse, qui aura manqué de comprendre ou de bien exprimer. S’il est néanmoins des vérités que nous avons pu saisir par là pensée et expliquer parla parole, rendons en grâces à Celui à qui nous avons demandé, près de qui nous avons cherché et frappe, afin d’obtenir de quoi nous nourrir dans la méditation et de quoi vous servir dans le discours.


SERMON LXXII. LES BONS ARBRES[2].

ANALYSE.

– Notre-Seigneur veut que nous travaillions à devenir de bons arbres. Ce qui fait comprendre la nécessité de ce commandement, c’est que 1° un arbre mauvais ne saurait porter de bons fruits. Aussi, 2° Jésus-Christ est venu travailler à nous rendre bons. 3° Il nous menace de la mort éternelle si pour le devenir, nous ne profitons pas des délais que nous accorde sa bonté. 4° N’est-il pas incompréhensible que l’homme ne veuille rien avoir que de bon et que toutefois il ne cherche pas à devenir bon lui-même ? Qu’il, s’attache donc à Dieu, source de bonté. 5° Les calamités présentes doivent nous servir d’avertissement sérieux.
1. Notre-Seigneur Jésus-Christ nous a avertis d’être de bons arbres afin de pouvoir porter de bons fruits. « Ou rendez l’arbre bon et son fruit bon, dit-il ; ou rendez l’arbre mauvais et son fruit mauvais ; car c’est par le fruit qu’on connaît l’arbre. » Dans ces mots : « Ou rendez l’arbre bon et son fruit bon », il y a, non point un avis ; mais un précepte salutaire que nous sommes obligés d’accomplir. Et dans ces autres : « Rendez l’arbre mauvais et son fruit mauvais », il n’y a pas un précepte à accomplir, mais l’avis d’être sur ses gardes. Car cet avis s’adresse à. ces hommes qui croyaient, tout mauvais qu’ils étaient, pouvoir bien parler ou bien agir. Cela ne se peut, dit le Seigneur Jésus. Pour changer la conduite, il faut d’abord changer l’homme. Si celui-ci reste mauvais, il ne peut bien agir : et s’il est bon, il ne saura agir mal.
2. Or qui a été trouvé bon par le Seigneur,

  1. Eze. 33, 11
  2. Mat. 12, 33