Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/427

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avec le Christ, et que chaque membre se réunisse à tout le corps. Les sages, est-il dit, « entrèrent avec lui dans la salle des noces, et la porte fut fermée. » Les folles vinrent ensuite ; mais sans avoir acheté de l’huile, sans avoir même découvert à qui en acheter. Aussi trouvèrent-elles les portes fermées ; elles commencèrent à frapper, mais c’était trop tard.
16. Il est écrit, et rien n’est plus vrai, plus infaillible : « Frappez, et on vous ouvrira[1] ; » mais c’est maintenant qu’il faut frapper, c’est à l’époque de la miséricorde et non pas au moment du jugement. On ne saurait effectivement confondre ces deux époques, puisque l’Église chante, devant le Seigneur, la miséricorde et le jugement[2]. Nous voici au temps de la miséricorde ; fais pénitence. Veux-tu différer jusqu’au jour de la justice ? Ce serait éprouver le sort de ces vierges devant qui la porte s’est fermée « Seigneur, Seigneur, ouvrez-nous. » N’est-ce pas se repentir de n’avoir pas porté de l’huile avec elles ? Mais de quoi leur sert cette pénitence tardive, en face des dérisions que verse sur elles la Sagesse véritable ? « La porte » donc « est fermée. » Et que leur dit-on ? « Je ne vous connais pas. » Quoi ? Elles ne sont pas connues de Celui qui connaît tout ? Que signifie donc : « Je ne vous connais pas ? » Cela signifie : Je vous désapprouve, je vous réprouve. Je ne vous reconnais pas comme conformes à ma règle ; car cette règle ignore les vices, et chose remarquable ! elle les juge tout en les ignorant. Elle les ignore, parce qu’elle ne s’y livre pas ; elle les juge, parce qu’elle les censure. C’est dans ce sens que « je ne vous connais pas. (1)»
17. Les cinq vierges prudentes se mirent en marche et entrèrent. Combien n’êtes-vous pas, mes frères, qui portez le nom de Chrétiens ? Je voudrais voir parmi vous ces cinq vierges sages. Je ne dis pas : Je voudrais que vous fussiez cinq seulement ; mais je voudrais voir parmi vous ces cinq vierges prudentes, ces âmes prudentes que figure le nombre cinq. Car l’heure du jugement viendra, et elle viendra nous ne savons quand, puisqu’elle viendra au milieu de là nuit. Veillez donc, c’est la conséquence que tire l’Évangile. « Veillez, dit-il, car vous ne savez ni le jour ni l’heure. »
Mais comment veiller, puisque nous sommes obligés de dormir ? C’est le cœur, c’est la foi, c’est l’espérance, c’est la charité, ce sont les bonnes œuvres qui doivent veiller en nous. Du reste le sommeil du corps doit être suivi du réveil. Or à ton réveil, prépare tes lampes. C’est alors qu’il faut ne pas les laisser s’éteindre, mais les ranimer avec l’huile mystérieuse d’une bonde conscience ; alors qu’il te faut mériter les spirituels embrassements de l’Époux, et la grâce d’être introduit par lui dans ce palais où il n’y a plus de sommeil, où ta lampe ne pourra plus s’éteindre, au lieu qu’aujourd’hui nous nous fatiguons encore, pendant que les vents et les tentations de ce siècle agitent la flamme de nos lampes. Ah ! Nourrissons si bien cette flamme, que le souffle de la tentation l’active plutôt que de l’éteindre.


SERMON XCIV. LE TALENT ENFOUI.[3].

ANALYSE. – Plusieurs évêques étaient réunis à Hippone. Tous refusèrent de prêcher devant saint Augustin. Le grand docteur s’en plaint d’une manière charmante, et il invite avec un aimable à-propos tous les chefs de famille à faire chez eux les évêques, plutôt que de laisser oisif le talent qu’ils ont reçu.

Ces Seigneurs, mes frères et collègues dans l’épiscopat, ont daigné nous honorer et nous réjouir de leur présence ; mais je ne sais pourquoi ils refusent de m’aider dans mes fatigues. Je tiens à le dire à votre charité devant eux, afin que votre attention et votre désir intercèdent en quelque sorte en ma faveur, et qu’eux aussi consentent à prêcher quand je les en supplie. Qu’ils donnent de ce qu’ils ont reçu et qu’ils veuillent bien travailler plutôt que de s’excuser. Pour moi effectivement je suis épuisé et à peine capable de parler ; je ne vous dirai donc que quelques mots et vous les recevrez avec plaisir. Nous avons

  1. Mat. 7, 7
  2. Psa. 100, 1
  3. Mat. 25, 24-30