Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/430

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sur les enfants des hommes et qui s’est fait difforme pour rendre belle son épouse, son épouse à qui s’adressent ces mots : « O toi qui es belle parmi les femmes [1] », et ces autres encore« Quelle est celle-ci qui monte tout éclatante[2] ; » tout éclatante de vraie beauté et non de fard menteur ; cet Époux, après avoir invité à ses noces y trouva donc un homme sans la robe nuptiale, et il lui dit : « Mon ami, pourquoi es-tu entré ici sans la robe nuptiale ? Mais celui-ci garda le silence ; » il ne trouva rien à répondre. « Liez-lui les pieds et les mains, dit alors ce Père de famille qui venait d’entrer, et jetez-le dans les ténèbres extérieures ; là il y aura pleurs et grincement de dents. » Quoi ! un tel châtiment pour une si petite faute ! Oui le châtiment est terrible, et si on traite de faute légère le défaut de robe nuptiale, cette faute n’est légère que pour ceux qui ne la comprennent pas. Est-ce que le Seigneur parlerait avec tant de sévérité, est-ce qu’il prononcerait une pareille sentence, est-ce que pour n’avoir pas la robe nuptiale, il jetterait, pieds et mains liés, dans les ténèbres extérieures où il y a pleur et grincement de dents, si ce n’était une faute très-grave de n’être pas revêtu de cette robe nuptiale ? Écoutez-moi donc ; car si Dieu vous a invités, c’est par notre ministère. Vous êtes tous au festin : ah ! portez tous la robe nuptiale. Je vais vous faire connaître en quoi elle consiste afin que tous vous en soyez revêtus ; et si parmi mes auditeurs il en est un qui ne l’ait pas encore, ah ! qu’il s’amende avant l’arrivée du Père de famille venant pour examiner les convives, qu’il prenne cette robe nuptiale, et demeure paisiblement à table.
6. Ne croyez pas en effet, mes biens-aimés, que le convive jeté dehors ne figure qu’un seul homme ; non, ne le croyez pas, il figure le grand nombre. C’est le Seigneur lui-même, c’est l’Époux qui a invité et qui traite tous ces convives, c’est lui qui nous a expliqué, dans cette même parabole, que ce malheureux ne représente pas un homme seul, mais le grand nombre. En effet, après qu’il l’eut fait jeter dans les ténèbres extérieures pour le punir de n’avoir pas la robe nuptiale, il ajouta immédiatement : « Car il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus[3]. » Comment ? Vous n’en avez rejeté qu’un seul et vous dites : « Car il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus ? » Les élus sans doute ne sont pas rejetés et ce sont eux qui demeurent à table en petit nombre. Ainsi c’est le grand nombre qui se trouve représenté dans le malheureux qui n’avait pas la robe nuptiale ; et s’il est seul, c’est pour mieux figurer les méchants réunis en un seul corps.
7. Qu’est-ce enfin que la robe nuptiale ? Apprenons-le dans les saintes Lettres. Qu’est-elle donc ? C’est sans doute un bien qui n’est pas commun aux bons et aux méchants. Découvrons quel est ce bien ; ce sera connaître la robe nuptiale. Or quel est parmi les dons de Dieu celui qui n’est pas commun aux bons et aux méchants ? Si nous sommes hommes et non pas de simples animaux, c’est un don de Dieu ; mais ce don est commun aux bons et aux méchants. Si la lumière nous vient du ciel, si les pluies tombent des nues, si les fontaines coulent, si les champs se couvrent de fruits, ce sont aussi des dons de Dieu ; mais ils sont communs aux bons et aux méchants. Entrons dans la salle des noces, laissons dehors ceux qui ne sont pas venus, bien qu’ils aient été invités. N’examinons que les convives ou les chrétiens. Le baptême est un don de Dieu ; il est aux méchants comme aux bons, et les méchants comme les bons reçoivent le Sacrement de l’autel. Malgré son injustice, malgré sa haine pour un homme juste et saint, Saül prophétisa ; il prophétisa tout en le persécutant [4]. Dit-on qu’il n’y ait que les bons pour avoir la foi ? « Mais les démons aussi croient et ils tremblent[5]. » Pourquoi continuer ? J’ai tout déployé, sans arriver encore à cette robe nuptiale. J’ai ouvert mon magasin, j’ai examiné tout ou presque tout, et je n’ai pas vu encore cette robe nuptiale.L'Apôtre saint Paul m’a montré quelque part un trésor de choses précieuses ; il l’a ouvert devant moi et je lui ai dit : Montrez-moi si par hasard vous n’y auriez pas trouvé la robe nuptiale. Lui aussi commence à déployer tout en détail ; il dit donc : « Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, quand je posséderais toute la science, toutes les prophéties et toute la foi, au point de transporter les montagnes ; quand je distribuerais aux pauvres tout ce que je possède et que je livrerais mon corps pour être brûlé. » Quels riches vêtements ! Ce n’est pourtant pas encore la robe nuptiale, Montrez-nous-la donc enfin. Pourquoi, ô Apôtre, nous tenir en suspens ? La prophétie ne serait-

  1. Can. 1, 7
  2. Id. 3, 6
  3. Mat. 22, 11-14
  4. 1Sa, 19
  5. Jac. 2, 19