Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/490

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

S’il doit les toucher, n’en est-il pas le Médecin ? Et si ces enfants n’ont aucun mal, pourquoi le prie-t-on de les toucher ? À qui les présente-t-on ? Au Sauveur. S’il est leur Sauveur, c’est qu’il doit les sauver. N’est-ce pas lui qui est venu chercher et sauver ce qui était perdu [1] ? Comment s’étaient-ils perdus ? En ce qui les regarde personnellement, je les vois innocents où trouver qu’ils sont coupables ? Voici la voix de l’Apôtre : « Par un seul homme le péché est entré dans l’univers. Par un seul homme, dit-il, le péché est entré dans l’univers, et par le péché, la mort ; ainsi la mort a passé dans tous les hommes par celui en qui tous ont péché[2]. » Venez donc, petits enfants, venez ; qu’on écoute le Seigneur : « Laissez, dit-il, venir à moi les petits enfants[3]. » Venez, petits ; malades, à votre Médecin ; perdus, à votre Rédempteur ; venez, que nul ne vous empêche. Ils n’ont produit encore aucun fruit sur le rameau, mais ils sont morts dans la racine. Que le Seigneur bénisse les petits et les grands ; que le Médecin touche aussi et les uns et les autres. Nous recommandons aux aînés la cause des petits. Parlez pour eux puisqu’ils se taisent, priez pour eux puisqu’ils pleurent. Pour n’être pas en vain leurs aînés, soyez leurs tuteurs ; protégez-les puisqu’ils ne sauraient s’occuper de leurs intérêts. Ils ont été perdus avec nous, qu’avec nous ils se sauvent ; nous avions péri ensemble, sauvons-nous ensemble dans le Christ. Les mérites sont inégaux, mais la grâce est commune. Il n’y a de mal en eux que ce qu’ils en ont puisé à la source ; il n’y a de mal en eux que ce qu’ils en ont puisé à leur naissance. Ah ! qu’ils ne soient point éloignés du salut par ceux qui ont ajouté tant de péchés au péché d’origine. Celui qui a plus d’âge, a aussi plus d’iniquités. Mais la grâce de Dieu efface en même temps ce qui vient de l’origine et ce qui vient de la volonté. Elle a surabondé là où avait abondé le péché.


SERMON CXVI. L’ÉCONOMIE DE LA FOI[4].

Analyse. – En apparaissant à ses Apôtres après sa résurrection, Jésus s’attache 1° à leur prouver que ce n’est pas, un pur esprit qui se montre à eux, mais que c’est bien lui-même dans la réalité de son corps. Combien donc sont coupables les Manichéens qui ne croient pas à la réalité de la chair du Christ, malgré toutes les assurances contraires qu’il a données au monde ! – 2°

Après avoir montré à ses disciples qu’il était réellement et corporellement ressuscité, le Sauveur leur prédit la diffusion de l’Évangile et de l’Église par tout l’univers. Ils voyaient Jésus-Christ, mais ils ne voyaient pas encore l’Église universelle ; ils croyaient celle-ci sur le témoignage du Sauveur ; c’est ainsi que sur le témoignage de l’Église que nous voyons, nous croyons au Sauveur que nous ne voyons pas. Les Apôtres toutefois virent bientôt l’accomplissement des divines promesses ; la persécution même servit à propager l’Évangile, et l’un des plus ardents persécuteurs devint l’un des plus généreux confesseurs.
1. Le Seigneur, comme vous venez de l’entendre, apparut à ses disciples après sa résurrection et les salua en leur disant : « Paix à vous. » C’est la paix et la salutation du Salut même. Salutation vient de salut : mais est-il rien de meilleur que le Salut même saluant l’homme ? Car le Christ est notre salut ; il est notre salut puisqu’afin de nous sauver il a été blessé et cloué sur le bois, déposé ensuite et mis dans un sépulcre. En sortant du sépulcre il avait guéri ses plaies et conservé ses cicatrices. Il jugea en effet devoir conserver celles-ci en faveur de ses disciples, pour guérir les plaies faites à leurs cœurs. Faites par quoi ? Par l’infidélité. Aussi apparut-il à leurs regards en leur montrant la réalité de si chair. Mais ils crurent voir un esprit, ce qui ne prouvait pas faiblement combien leur cœur était blessé ; et ceux qui conservèrent cette plaie devinrent les auteurs d’une hérésie funeste. Croirons-nous que pour avoir été guéris promptement les vrais disciples n’aient pas été blessés ! Mais j’en prends à témoin votre charité, s’ils avaient conservé cette plaie ; s’ils avaient cru toujours que le corps du Sauveur n’était point sorti du tombeau et qu’un esprit avait pris les apparences d’un corps humain pour tromper les regards ; s’ils avaient gardé cette foi ou plutôt ce défaut de foi, nous aurions à pleurer, non

  1. Luc. 19, 10
  2. Rom. 5, 12
  3. Luc. 18, 16
  4. Luc. 24, 36-47