Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/50

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n’avoir qu’à imiter son mari, à suivre son chef. Le Christ est le chef de l’Église et il est commandé à l’Église de suivre son chef et de marcher sur ses traces ; ainsi dans toute famille l’homme est comme le chef et la femme comme le corps [1]. Où conduit le chef, là le corps doit suivre. Pourquoi donc ce chef veut-il aller où il ne veut pas être suivi par son épouse ? Parce que la parole divine donne ces ordres, elle est l’adversaire ; car les hommes ne veulent pas faire ce qu’elle commande. Et pourquoi dire qu’en donnant ces ordres la divine parole est l’adversaire ? En parlant ainsi, ne le suis-je pas moi-même pour quelques-uns ? Eh ! que m’importe ! Celui dont la crainte m’inspire de parler me fortifiera assez pour ne pas redouter les plaintes des hommes. Ceux qui ne veulent pas, et ils sont nombreux, garder la fidélité à leurs épouses, voudraient que je ne dise rien de ce sujet. Mais, qu’ils y consentent ou s’y opposent, j’en parlerai. Car si je ne vous engage point à vous accorder avec l’adversaire, je demeurerai moi-même en guerre avec lui. Celui qui vous commande d’agir, nous commande de parler. Si vous êtes ses adversaires en ne faisant pas ce qu’il vous commande de faire ; nous resterons aussi ses adversaires en ne disant pas ce qu’il nous commande de dire.
.4. Me suis-je beaucoup arrêté aux autres points que j’ai déjà touchés ? Nous présumons de votre charité que vous adorez un seul Dieu. Nous présumons de votre foi catholique que vous croyez le. Fils de Dieu égal à son Père, et que vous ne prenez pas en vain le nom du Seigneur votre Dieu en regardant son Fils comme une créature. Toute créature en effet, est soumise à la vanité[2]. Vous croyez sans doute que le Fils de Dieu est égal à son Père, Dieu de Dieu, Verbe en Dieu, Verbe et Dieu par qui tout a été fait, lumière de lumière, éternel et unique comme Celui qui l’a engendré. Vous croyez que ce Verbe a pris une nature créée, qu’il a reçu de la Vierge Marie une nature mortelle, et qu’il a souffert pour nous. Nous lisons cela et nous le croyons pour être sauvés. Je ne me suis pas arrêté non plus à vous exciter à faire vos œuvres en vue de l’espérance à venir. Je sais que toute âme chrétienne s’occupe du siècle futur. N’y pas penser et n’être pas chrétien dans le but de recueillir ce que Dieu promet à la fin, c’est n’être encore pas chrétien. Je ne me suis pas arrêté non plus à ce commandement divin : « Honore ton père et ta mère. » La plupart honorent leurs parents et il est rare que nous rencontrions des parents se plaignant de la méchanceté de leurs enfants. Il en est pourtant encore, mais c’est chose rare et il a fallu passer brièvement sur, ce point. Je n’ai pas voulu m’arrêter non plus à ce précepte « Tu ne tueras point. » Je ne crois pas voir ici une assemblée d’homicides.J'ai dû m’occuper davantage d’un mal qui se répand au loin, d’un mal qui irrite au plus haut degré l’adversaire ; cet adversaire crie, mais c’est pour devenir ami. Ce sont chaque jour des plaine tes, et pourtant les femmes n’osent plus eu faire de leurs maris. Hélas ! cette coutume funeste envahit tout, on l’observe comme une loi ; et les femmes ne sont-elles pas persuadées que ce qui leur est défendu ne l’est point à leurs maris ? Elles apprennent que des femmes sont conduites au tribunal pour avoir été surprises peut-être avec des esclaves ; jamais elles n’ont entendu dire qu’un homme ait été traduit pour avoir été surpris avec une servante. Toutefois le péché est le même et ce qui fait paraître l’homme moins coupable quand il commet ce péché, ce n’est point la vérité divine, c’est l’humaine corruption. S’il voit aujourd’hui plus de mécontentement dans sa femme ; si elle murmure avec plus de liberté, après avoir appris à l’Église que son mari ne peut ce qu’elle lui croyait permis ; s’il voit, dis-je, sa femme se plaindre plus librement et lui dire : Ce que tu fais n’est pas permis ; nous avons entendu la même parole, nous sommes chrétiens, accorde-moi ce que tu exiges de moi : je te dois la fidélité, tu me la dois, nous la devons tous deux au Christ ; si tu me trompes, tir ne trompes pas notre commun Seigneur, celui qui nous a rachetés ; si donc cet homme entend ces observations et d’autres semblables qu’il n’est pas accoutume à entendre, cri refusant de se guérir il devient furieux contre moi, il s’irrite, il maudit, peut-être ira-t-il jusqu’à dire : Pourquoi cet autre est-il venu ici ? Pourquoi ma femme est-elle allée ce jour-là à l’Église ? Je crois au moins qu’il pensera cela ; car il n’ose se plaindre hautement, n’y eût-il là que son épouse. S’il éclatait devant elle ne pourrait-elle pas répondre : Pourquoi critiquer après avoir applaudi ? Nous sommes époux ; comment pourras-tu t’accorder avec moi, si tu es en désaccord avec toi-même ?

  1. Eph. 5, 23
  2. Rom. 8, 20