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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/577

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mon âme, où vous paissez, où vous « reposez ; » et la réponse dans ceux-ci : « Au midi ; » c’est-à-dire en Afrique.
Mais si c’est l’Église qui fait la question, et si c’est le Seigneur qui lui répond : Je pais en Afrique et conséquemment : L’Église est en Afrique, il s’ensuit que l’Église qui l’interroge n’est pas là. « Apprenez-moi, disait cette Église, ô vous que chérit mon âme, où vous paissez, où vous reposez ; » et à cette Église qui n’est pas en Afrique il serait répondu : « Au midi », en d’autres termes : C’est en Afrique que je repose, en Afrique que je pais, ce qui ferait entendre que ce n’est pas en toi. – Maintenant, si la question est adressée par une Église, et nul n’en doute, les Donatistes mêmes n’en disconviennent pas, si de plus ces sectaires voient ici je ne sais quoi qui rappelle l’Afrique, c’est qu’évidemment l’Église qui interroge n’est pas en Afrique. Elle est pourtant une Église véritable ; l’Église existe donc en dehors de l’Afrique.
10. Admettons que l’Afrique soit au midi, quoique l’Égypte soit plutôt qu’elle au point précis du midi, du milieu du jour. Or, que fait en Égypte le divin Pasteur ? Vous qui le savez, réveillez vos souvenirs, et vous qui l’ignorez, apprenez quel immense troupeau il y réunit, quel nombre considérable il y possède de saints et de saintes qui ont renoncé complètement au monde. Le saint troupeau s’y est accru au point d’en bannir toutes les superstitions ; et pour ne pas dire comment en se développant il a éloigné le culte des idoles, qui y exerçait tant d’empire ; j’admets ce que vous dites, ô perfides commensaux, j’admets absolument, je veux croire que l’Afrique est au midi et qu’il est question d’elle dans ces mots : « Où paissez-vous, où reposez-vous au midi ? » Mais de votre côté remarquez aussi que c’est l’Épouse et non l’Époux qui parle ainsi. Oui, c’est l’Épouse qui dit : « Apprenez-moi, vous que chérit mon âme, où vous paissez, où vous reposez au midi, dans la crainte que je ne me jette comme une aveugle. » O sourd, ô aveugle, si tu vois l’Afrique dans ce mot de midi, comment ne vois-tu pas que ces autres mots ; comme une aveugle, désignent une femme ? « Apprenez-moi, vous que chérit mon âme : » c’est bien à un homme que s’adressent ces expressions : « Vous que chérit « quem delexit. » Si nous lisions : Apprenez-moi, vous que chérit, quam dilexit ; nous comprendrions que c’est l’Époux parlant à l’Épouse ; donc puisqu’il est écrit – « Apprenez-moi, vous que chérit mon âme, quem dilexit, où vous paissez, où vous reposez », c’est l’Épouse parlant à l’Époux. Mais c’est elle aussi qui ajoute : « au midi ; » et elle demande : « Où paissez-vous au midi, dans la crainte que je ne m’égare, comme une aveugle, au milieu des troupeaux de vos commensaux. » J’admets donc, j’admets complètement qu’il est ici question de l’Afrique, comme tu le prétends, que le mot midi la désigne. Ne s’ensuit-il pas que c’est l’Église du Christ, située au-delà des mers, qui s’adresse à son Époux, dans la crainte de heurter contre l’erreur répandue en Afrique ?
« O vous que chérit mon âme, dites-moi », enseignez-moi. J’ai appris qu’il y a dans le midi, c’est-à-dire en Afrique, deux partis, ou plutôt de nombreuses factions. « Dites-moi » donc « où vous paissez », quelles sont vos brebis, à quel bercail je dois m’attacher, auquel m’unir. « Dans la crainte que je ne me jette, comme une aveugle. » On m’insulte en effet, on m’accuse d’être voilée, d’être cachée, comme perdue et comme n’existant ailleurs nulle part. Je crains donc de me jeter comme une aveugle, comme une femme inconnue et dans les ténèbres, au milieu des troupeaux, des assemblées d’hérétiques, de vos commensaux, des Donatistes, des Maximianistes, des Rogatistes, et des autres sectes venimeuses qui recueillent en dehors de vous et qui par conséquent dissipent ; je vous en conjure, éclairez-moi, afin qu’en cherchant là mon Pasteur, je ne me jette point dans l’abîme ouvert par les rebaptisants.
Je vous en prie, je vous en supplie par la sainteté de ces noms sacrés, aimez cette Église, vivez en elle, formez-la telle qu’elle vient de vous apparaître ; chérissez le bon Pasteur, l’époux si beau qui ne trompe personne et qui ne veut la mort de personne. Priez aussi pour les brebis dispersées ; qu’elles reviennent aussi, qu’elles reconnaissent aussi et aiment la vérité, afin qu’il n’y ait plus qu’un troupeau et qu’un pasteur. Tournons-nous, etc.