Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vois dans mes membres une autre loi qui combat contre la loi de mon esprit et qui m’assujettit sous la loi du péché, laquelle est dans mes organes », loi honteuse, loi dégradante, espèce de langueur et de plaie livide ; il ajoutait : « Misérable homme, qui me délivrera du corps de cette mort ? » Ses gémissements furent entendus, on vint à son aide. Comment ? Le voici : « Ce sera la grâce de Dieu, par Jésus-Christ Notre-Seigneur ». Oui tu seras délivré de la loi de cette mort, en d’autres termes, du corps de cette mort, par la grâce de Dieu au nom de Jésus-Christ Notre-Seigneur ». Et quand auras-tu un corps complètement exempt de toute concupiscence ? Lorsque ce corps se sera revêtu, « mortel, d’immortalité, corruptible, d’incorruptibilité », et qu’il sera dit à la mort : « O mort, où est ton ardeur guerrière ? » sans qu’elle en ait encore ; ô mort, où est ton aiguillon ? » sans qu’elle en ait jamais plus[1]. Mais aujourd’hui que dire ? Ainsi j’obéis moi-même par l’esprit à la loi de Dieu, et par la chair à la loi du péché ». – « J’obéis par l’esprit à la loi de Dieu », en ne consentant pas au mal ; « et par le corps à la loi du péché », en ressentant la convoitise. Oui, par l’esprit à la loi de Dieu, et par la chair à a la loi du péché ». Je me complais dans l’une et je convoite conformément à l’autre, sans toutefois être vaincu par elle ; elle excite les désirs, elle tend des pièges, elle pousse et cherche à y faire tomber : « Malheureux homme, qui me délivrera du corps de cette mort ? » Je n’aspire pas à vaincre toujours, je voudrais enfin obtenir la paix. Désormais donc, mes frères, suivez cette ligne de conduite : obéissez par l’esprit à la loi de Dieu et par la chair seulement à la loi du péché, mais parce que vous y êtes forcés ; en ce sens seulement que vous ressentez la convoitise sans y consentir. Perfide convoitise qui fait quelquefois éprouver aux saints durant leur sommeil ce dont elle est incapable pendant qu’ils veillent. Pourquoi tous applaudissez-vous, sinon parce que vous comprenez tous ? J’aurais honte d’en dire davantage, mais n’hésitons pas à prier Dieu pour ce sujet. Tournons-nous vers le Seigneur, etc. (Voir tom. 6, serm. 1.)


SERMON CLII.
LE SALUT PAR LE CHRIST[2].

ANALYSE. – Après avoir invité ses auditeurs à élever leurs désirs vers Dieu pour obtenir sa lumière, saint Augustin aborde l’examen du texte indiqué. Il rappelle d’abord que les mouvements de concupiscence auxquels on ne consent pas, ne sont pas des péchés pour ceux qui sont régénérés en Jésus-Christ. Il constate encore que des trois lois dont parle saint Paul dans le même texte, savoir : la loi du péché, la loi des œuvres et la loi de l’Esprit de vie, cette dernière seule donne la force d’éviter ce qu’elle défend et de faire ce qu’elle ordonne. Mais d’où vient cette efficacité soit au baptême, soit à la loi de l’Esprit de vie ou de la grâce ? De ce que Dieu a envoyé son Fils parmi nous et nous a rendu sa faveur en considération du sacrifice de Jésus-Christ.

1. Votre charité doit se souvenir que j’ai examiné une question fort épineuse tirée de ce passage d’une épître de saint Paul. « Je ne fais pas ce que je veux, et je fais ce que je hais[3] ». Vous qui étiez ici, vous vous rappelez cela. Maintenant donc soyez attentifs et continuons. Voici par où a commencé la leçon d’aujourd’hui : « Dieu a envoyé son Fils dans une chair semblable à celle du péché, et dans cette chair il a condamné le péché par le péché même ; afin que la justification de la loi s’accomplît

  1. 1Co. 15, 53-55
  2. Rom. 8, 1-4.
  3. Voir Disc. précéd.; Rom. 7, 15