Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/15

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ai-je dit, ou plutôt le juste principalement, a les armes à la main, car celui qui ne vit pas dans la justice ne combat pas non plus et se laisse entraîner ; mais ne croyez pas pour ce motif qu’il y ait en nous comme deux natures issues de principes différents ; c’est le rêve insensé des Manichéens qui ne veulent pas que la chair soit formée par Dieu. Quelle erreur ! Nos deux substances viennent également de Dieu, et si notre nature est le théâtre de tant d’hostilités, c’est la juste punition du crime. La guerre en nous n’est qu’une maladie ; guérissons, et nous aurons la paix. Cette lutte qui divise actuellement la chair et l’esprit a pour but d’établir la paix ; l’esprit travaille à faire entrer la chair dans ses vues. Si dans une même demeure l’homme et la femme se font la guerre, l’homme doit faire effort pour dompter sa femme. La femme une fois domptée se soumettra à son époux, et la paix, par là, sera rétablie.

5. Ces paroles : « La loi de l’Esprit de vie qui est dans le Christ Jésus, t’a affranchi de la loi de la mort et du péché », nous invitent à étudier la nature de ces lois. Regardez et distinguez bien ; vous avez besoin de bien discerner. « La loi de l’Esprit de vie » ; voilà une première loi : « t’a affranchi de la loi du péché et de la mort » ; c’en est une seconde. Ce qui suit : « Car ce qui était impossible à la loi, parce qu’elle était affaiblie parla chair », indique une troisième loi. Cette dernière un résumé des deux premières ? Examinons et tâchons de comprendre avec l’aide de Dieu. Que dit l’Apôtre de la loi bonne ? « La loi de l’Esprit de vie t’a affranchi de la loi du péché et de la mort ». Cette loi n’est pas sans efficacité : « elle t’a affranchi, cette loi de l’Esprit de vie, de la loi du péché et de la mort ». Ainsi la loi bonne t’a délivré de la mauvaise loi. Quelle est cette mauvaise loi ? Je vois dans mes membres une autre loi qui résiste à la loi de mon esprit et qui m’assujettit à la loi du péché, laquelle est dans mes membres ». Pourquoi donner à celle-ci le nom de loi ? C’est qu’il était fort juste que la chair refusât d’obéir à l’homme, puisque lui-même avait refusé d’obéir à son Seigneur. Au-dessus de toi est ton Seigneur, et ta chair au-dessous. Obéis à ton chef, pour être obéi de ton sujet. Mais tu as dédaigné ce chef, tu es puni par ton sujet. Telle est la loi du péché ; on l’appelle aussi la loi de la mort, car le péché a introduit la mort. « Le jour où vous en mangerez, vous mourrez de mort[1] ». C’est cette loi du péché qui tente l’esprit et qui essaie de le mettre sous le joug. « Mais je me complais dan la loi de Dieu selon l’homme intérieur ». Ainsi s’engage la lutte pendant laquelle on s’écrie : « J’obéis par l’esprit à la loi de Dieu, et par la chair à la loi du péché ». « La loi de l’Esprit de vie t’a affranchi de la loi du péché et de la mort ». Comment t’a-t-elle affranchi ? D’abord en te donnant le pardon de tous tes péchés ; car c’est de cette loi que parle un psaume quand il y est dit à Dieu : « Et par votre loi soyez-moi propice[2] ». C’est donc la loi de la miséricorde, la loi de la foi et non pas la loi des œuvres. Quelle est maintenant la loi des œuvres ? Dans ces mots : « La loi de l’Esprit de vie t’a affranchi de la loi du péché et de la mort », vous avez vu l’excellente loi de la foi ; vous y avez vu aussi la loi du péché et de la mort. Maintenant : « Ce qui était impossible à la loi, parce qu’elle était affaiblie par la chair », voilà une troisième loi à laquelle il manque un je ne sais quoi qui a été comblé par la loi de l’Esprit de vie, puisque celle-ci t’a affranchi de la loi du péché et de 1e. mort. La loi mentionnée en troisième lieu est donc la loi qui a été donnée au peuple sur le mont Sinaï, par le ministère de Moïse, et qu’on appelle la loi des œuvres. Elle sait menacer mais non pas secourir ; commander et non pas aider. Elle a dit : « Tu ne convoiteras pas » ; de là cet aveu de l’Apôtre : « Je ne connaîtrais pas la concupiscence si la loi n’eût dit : Tu ne convoiteras pas ». À quoi m’a servi que cette loi ait dit : « Tu ne convoiteras pas ? C’est que prenant occasion du commandement, le péché m’a séduit et m’a tué ». On me défendait de convoiter, je n’ai pas obéi, et j’ai été vaincu. Ainsi j’étais pécheur avant la loi, et après l’avoir reçue, prévaricateur. « Car, prenant occasion du commandement, le péché m’a séduit et m’a tué[3] ».

6. « Ainsi la loi est sainte », poursuit l’Apôtre. Elle est donc bonne aussi, cette loi, quoique les Manichéens la condamnent comme ils condamnent la chair. Oui, dit saint Paul, « la loi est sainte, et le commandement saint, juste et bon. Ce qui est bon est donc devenu

  1. Gen. 2, 17
  2. Psa. 118, 29
  3. Rom. 7, 7, 11