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SERMON CLXXXV.
POUR LE JOUR DE NOËL. II. JUSTIFICATION DE L’HOMME.

ANALYSE. – Si le Christ s’est tant abaissé, ce n’était pas pour son avantage, mais pour le nôtre ; c’était pour nous justifier et conséquemment

1. Qu’est-ce que la naissance du Seigneur ? C’est la Sagesse de Dieu se montrant sous les formes d’un enfant ; c’est le Verbe de Dieu faisant entendre dans la chair des sons inarticulés. Mais ce Dieu caché saura se faire rendre témoignage par le ciel devant les Mages, et se faire annoncer aux bergers par la voix des anges. Ainsi nous célébrons aujourd’hui le jour anniversaire de celui où s’accomplit cette prophétie : « La Vérité s’est levée sur la terre, et la justice nous a regardés du haut des cieux [1] ». La Vérité qui est dans le sein du Père s’est levée sur la terre, pour être aussi dans le sein d’une mère. La Vérité qui porte le monde s’est levée sur la terre, pour être portée sur les mains d’une femme. La Vérité qui nourrit d’elle l’inaltérable bonheur des Anges, s’est levée sur la terre pour vivre elle-même du lait d’une mère. La Vérité que ne saurait contenir le ciel s’est levée sur la terre, pour être déposée dans une étable. Pour l’avantage de qui cette incomparable grandeur se présente-t-elle à nous sous de si prodigieux abaissements ? Ce n’est pas assurément pour son avantage ; mais, si nous croyons, il en résultera pour nous des biens immenses. O homme, éveille-toi ; c’est pour toi que Dieu s’est fait homme. « Toi qui dors, lève-toi ; lève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera [2] ». Oui, c’est pour toi que Dieu s’est kit homme ; et s’il n’était né dans le temps, éternellement tu serais mort ; jamais tu ne serais délivré de cette chair de péché, s’il n’en avait pris la ressemblance ; s’il ne te faisait une si grande miséricorde, tu serais livré à une misère sans fin ; tu n’aurais point recouvré la vie, s’il ne s’était assujetti à mourir comme toi ; tu aurais succombé, s’il ne t’avait secouru ; tu aurais péri, s’il n’était venu.

2. Ainsi célébrons avec joie le jour de notre salut et de notre rédemption ; célébrons le jour solennel où le grand jour, où le jour éternel qui naît d’un jour également grand et éternel également, fait son entrée dans notre jour temporel et si court. C’est lui qui « est devenu pour nous et justice, et sanctification, et rédemption, afin que, comme il est écrit, celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur [3] ». Ah ! nous devons nous garder de ressembler à ces Juifs orgueilleux « qui ignorent la justice de Dieu, qui veulent établir la leur, et qui se soustraient ainsi à la divine justice [4] ». Aussi après ces mots : « La Vérité s’est levée sur la terre », lisons-nous aussitôt ceux-ci : « Et la justice a regardé du haut du ciel ». C’est pour détourner la faiblesse des mortels de chercher à s’attribuer cette justice, à s’approprier les dons divins ; pour empêcher l’homme de prétendre qu’il se justifie, c’est-à-dire qu’il se rend juste lui-même et de dédaigner ainsi la justice de Dieu. « La Vérité s’est levée sur la terre » : le Christ a dit : « Je suis la Vérité [5] », et il est né d’une Vierge. – « Et la justice a regardé du haut du ciel » ; car en croyant à l’Enfant nouveau-né, l’homme est justifié, non par lui-même, mais par Dieu. « La Vérité s’est levée sur la terre » ; car « le Verbe s’est fait chair [6] ». – « Et la justice a regardé du haut du ciel » ; car « tout bien excellent et tout don parfait vient d’en haut[7] ». « La Vérité s’est levée sur la terre » ; la chair est née de Marie. « Et la

  1. Psa. 84, 12.
  2. Eph. 5, 14.
  3. 1Co. 1, 30, 31.
  4. Rom. 10, 3.
  5. Jn. 14, 16.
  6. Id. 1, 14
  7. Jac. 1, 17.