Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/227

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pas croire qu’il s’est trompé ou qu’il ait démenti ce passage du Symbole. Loin de nous de penser ou de parler ainsi ! C’est pour indiquer qu’il demeure au sein d’une félicité sublime et ineffable qu’il est dit de lui, qu’il est assis à la droite du Père. Aussi nomme-t-on parmi nous les habitations des sièges : quand nous demandons où est quelqu’un : Dans ses sièges, répond-on ; et des serviteurs de Dieu surtout on dit très-fréquemment : Un tel s’est assis, sedit, tant d’années dans tel ou tel monastère ; ce qui signifie qu’il s’y est arrêté, qu’il y a demeuré, qu’il l’a habité. Cette manière de parler n’est pas, inconnue dans les saintes Écritures. Lorsque le roi Salomon eut commandé au fameux Séméi de demeurer à Jérusalem, en le menaçant, s’il en sortait, des châtiments qu’il méritait, l’Écriture dit qu’il y fut assis, exathise, trois ans[1], ce qui signifie qu’il y resta cet espace de temps. Quant à la droite du Père, on ne doit pas se la représenter matériellement, ni croire que le Père occupe la gauche du Fils dès que le Fils est à la droite du Père. La droite de Dieu est mise ici pour désigner l’ineffable degré de gloire et de bonheur où le Fils est élevé. Dans le même sens il est dit de la Sagesse : « Sa gauche est sous ma tête, et de sa droite elle m’embrasse[2] ». C’est qu’en laissant au-dessous de soi les commodités de la terre, on est comme embrassé par la félicité éternelle qui est bien au dessus.

9. C’est donc de cette haute demeure des cieux, où maintenant même son corps est déjà immortel, que Jésus-Christ Notre-Seigneur viendra juger les vivants et les morts. C’est l’assurance formelle qu’ont donnée les anges et qu’on lit aux Actes des Apôtres. Comme en effet les disciples regardaient le Seigneur monter au ciel et qu’ils le conduisaient d’un œil fort attentif, ils entendirent des anges qui leur disaient : « Hommes de Galilée ; pourquoi vous tenez-vous là ? Ce même Jésus qui s’éloigne de vous, reviendra de la même manière que vous l’avez vu aller au ciel[3] ». Combien de suppositions de tout genre soustraites à la présomption humaine ! Le Christ pour nous juger aura la même nature que quand il fut jugé ; car c’est avec cette même forme humaine que les Apôtres le voyaient monter au ciel, quand ils apprirent qu’il en reviendrait de la même, manière. Son humanité frappera donc les regards des vivants et des morts, des bons et des méchants ; soit que par vivants nous entendions ici les bons et par morts, les méchants ; soit que les vivants désignent ceux qui n’auront pas atteint encore le terme de leur vie lorsqu’aura lieu son avènement, et les morts ceux qu’il ressuscitera, car lui-même s’exprime ainsi dans son Évangile : « Viendra l’heure où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront sa voix et en sortiront ; ceux qui auront fait le bien, pour ressusciter à la vie, et ceux qui auront fait le mal, pour ressusciter à leur condamnation[4] ». Les uns donc verront dans son humanité Celui en qui ils ont cru, et les autres Celui qu’ils ont méprisé. Quant à sa nature divine, qui le rend égal à son Père, les impies ne la verront pas. « L’impie sera enlevé, dit un prophète, pour qu’il ne voie point la beauté de Dieu[5] ». Il est dit encore : « Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu[6] ». Contentons-nous de ces aperçus sur le Fils unique de Dieu, sur Jésus-Christ Notre-Seigneur.

10. Car nous croyons également au Saint-Esprit, qui procède du Père[7], sans être son Fils ; qui repose sur le Fils[8], sans être son Père ; qui reçoit du Fils[9], sans pourtant être son Fils ; mais il est l’Esprit du Père et du Fils, l’Esprit-Saint, une des personnes divines. Si effectivement il n’était pas Dieu, il n’aurait pas un temple comme celui dont parle l’Apôtre : « Ignorez-vous, dit-il, que vos corps sont le temple, de l’Esprit-Saint, qui est en vous et que vous avez reçu de Dieu[10] ? » Ce n’est pas la créature, c’est le Créateur qui doit avoir un temple. Loin de nous d’être le temple d’une créature ! « Car le temple de Dieu est saint, dit encore l’Apôtre, et c’est vous qui êtes ce temple[11] ». Il n’y a dans cette Trinité adorable ni supérieur ni inférieur, aucune distinction dans les œuvres, aucune différence dans la nature. Le Père est Dieu, le Fils est Dieu, l’Esprit-Saint est Dieu. Toutefois le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne sont pas trois dieux, mais un seul Dieu, sans que le Père soit le Fils, sans que le Fils soit le Père et sans que l’Esprit-Saint soit le Père ou le Fils ; car le Père est Père du Fils, le Fils est Fils dit Père, et l’Esprit-Saint,

  1. 1Ro. 2, 38, sel. LXX
  2. Can. 2, 6
  3. Act. 1, 11
  4. Jn. 5, 28-29
  5. Isa. 26, 10, sel. LXX
  6. Mat. 5, 8
  7. Jn. 15, 26
  8. Id. 1, 32
  9. Id. 16, 14
  10. 1Co. 6, 19
  11. Id. 3, 17