Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/237

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en lambeaux ces vêtements des boucs de la gauche. Comme de lui-même le Père des miséricordes viendra à votre rencontre, vous rendant votre robe première, se hâtant même de faire immoler le veau gras afin de repousser la faim funeste qui vous mène à la mort[1] ! Vous mangerez sa chair et vous boirez son sang, ce sang dont l’effusion efface nos péchés, acquitte nos dettes et fait disparaître nos souillures. Mangez en esprit de pauvreté, et vous serez rassasiés, et vous aussi vous pourrez compter au nombre de ceux dont il est dit : « Les pauvres mangeront et ils seront rassasiés[2] ». Ainsi rassasiés heureusement par lui, vantez son pain et publiez sa gloire ; courez à lui et renoncez au passé. N’est-ce pas lui en effet qui rappelle ceux qui s’éloignent, qui poursuit les fuyards, qui retrouve ceux qui sont perdus, qui humilie les superbes, qui nourrit les affamés, qui délivre les captifs, qui éclaire les aveugles, qui purifie les impurs, qui délasse les fatigués, qui ressuscite les morts et qui arraché aux esprits du mal ceux qu’ils ont saisis et qu’ils retiennent dans les fers ? Mais nous avons constaté que vous n’êtes point sous l’empire de ces esprits : donc, en vous félicitant, nous vous engageons à conserver dans vos cœurs l’exemption du mal que nous avons vue dans vos corps.


SERMON CCXVII. VERS LA FIN DU CARÊME. LE CHEMIN DU CIEL[3].

ANALYSE. – Jésus-Christ, comme homme, demande à son Père de nous placer au ciel avec lui. Mais pour arriver à cet heureux séjour, il faut pratiquer le bien sur cette terre de souffrances. Les jours de pénitence sont l’emblème de cette vie, comme les jours de réjouissance figurent les joies de l’autre monde.

1. Le Christ Notre-Seigneur nous exauce avec son Père ; pour nous cependant il a daigné prier son Père. Est-il rien de plus sûr que notre bonheur, quand il est demandé par Celui qui le donne ? Car Jésus-Christ est en même temps Dieu et homme ; il prie comme homme, et comme Dieu il donne ce qu’il demande. S’il attribue au Père tout ce que vous ; devez conserver de lui, c’est que le Père ne procède pas de lui, mais lui du Père. Il rapporte tout à la source dont il émane, quoique en émanant d’elle il soit source aussi, puisqu’il est la source de la vie. C’est donc une source produite par une source. Oui, le Père qui est une source produit une source ; mais il en est de ces deux sources comme du Père et du Fils qui ne sont qu’un seul Dieu. Le Père toutefois n’est pas le Fils, le Fils n’est pas le Père et l’Esprit du Père et du Fils n’est ni le Père ni le Fils ; mais le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne sont qu’un seul Dieu. Appuyez-vous sur cette unité pour ne pas tomber en désunissant.

2. Vous avez vu ce que demandait le Sauveur, ou plutôt ce qu’il voulait. Il disait donc : « Je veux, mon Père, que là où je suis soient aussi ceux que vous m’avez donnés ». Oui, « je veux que là où je suis ils soient aussi avec moi ». Oh ! l’heureux séjour ! Oh ! l’inattaquable patrie ! Elle n’a ni ennemi ni épidémie à redouter. Nous y vivrons tranquilles, sans chercher à en sortir ; nous ne trouverions point de plus sûr asile. Sur quelque lieu que se fixe ton choix ici-bas, sur la terre, c’est pour craindre, ce n’est point pour y être en sûreté. Ainsi donc, pendant que tu occupes cette

  1. Luc. 15, 11-32
  2. Psa. 21, 27
  3. Jn. 17, 24