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SERMON CCLIX.

POUR LE DIMANCHE DE L’OCTAVE DE PÂQUES. XXX.

LES ŒUVRES DE MISÉRICORDE.



ANALYSE. — Deux idées principales sur les œuvres de miséricorde : pourquoi les faire ? comment les faire ? — I. Il faut exercer la miséricorde d’abord en vue de Dieu et pour mériter le bonheur qu’il promet à ses fidèles serviteurs, soit sur la terre soit au ciel ; ensuite pour effacer nos fautes de chaque jour ; enfin pour obéir à ce sentiment de compassion que nous éprouvons engin ceux dont nous avons partagé on dont nous pouvons partager l’infortune. — II. Comment faire miséricorde ? L’Évangile recommande de pardonner en même temps que de donner. Il faut donc exercer la miséricorde avec charité d’abord. Je vous engage aussi à la faire par vous-mêmes, en vous rapprochant du pauvre, en mettant votre main dans la sienne, ce qui est très-agréable à Dieu. Donnez enfin avec joie. En vous engageant à ne pas exiger avec sévérité ce qui vous est dû, je demande que vous y forciez à m’acquitter de la promesse que je vous ai faite.

1. Ce huitième jour est pour nous un symbole profond et sacré de l’éternel bonheur. Car la vie qu’il nous rappelle ne passera point comme il passera lui-même. Aussi, mes frères, au nom de Notre Seigneur, au nom de Jésus-Christ qui a effacé nos péchés, qui a voulu donner son sang pour notre rançon, qui a daigné faire de nous ses frères, quand nous ne méritions même pas d’être ses serviteurs, nous vous exhortons et nous vous conjurons, puisque vous êtes chrétiens, puisque vous portez le nom du Christ et sur votre front et dans votre cœur, de diriger tous vos désirs exclusivement sur cette vie bienheureuse que nous devons partager avec les Anges, et où règnent un repos perpétuel, une éternelle joie, une interminable félicité, sans aucun trouble, sans aucune tristesse, sans mort aucune. Or, on ne peut la connaître qu’en y étant admis, et on n’y sera admis que si l’on a la foi. En vain nous demanderiez-vous de vous montrer ce que Dieu nous a promis ; nous ne le pouvons. Vous avez entendu ce qui vient d’être dit en finissant la lecture de l’Évangile selon saint Jean : « Heureux ceux qui croient sans voir[1] ! ». Vous voudriez voir, je le voudrais aussi. Eh bien ! croyons également et nous verrons ensemble. Ne résistons pas à la parole de Dieu. Convient-il, mes frères, que le Christ descende maintenant du ciel et nous montre ses cicatrices sacrées ? S’il les a montrées au disciple incrédule, c’était pour réprimander le doute et pour former les futurs croyants.

2. Je le répète, ce huitième jour figure la vie nouvelle qui suivra la fin des siècles, comme le septième désigne le repos dont jouiront les saints sur cette terre ; car le Seigneur y régnera avec ses saints, comme le disent les Écritures, et dans son Église n’entrera alors aucun méchant ; elle sera purifiée et éloignée de toute souillure et de toute iniquité, et c’est ce que désignent ces cent cinquante, trois poissons dont, il m’en souvient, nous avons déjà parlé plusieurs fois[2]. C’est sur cette terre effectivement que l’Église apparaîtra d’abord environnée d’une gloire immense, revêtue de dignité et de justice. Point de déceptions alors, point de mensonge, point de loup caché sous une peau de brebis. « Le Seigneur viendra, est-il écrit, il éclairera ce qui est caché dans les ténèbres, il manifestera les secrètes pensées des cœurs, et chacun alors recevra de Dieu sa louange[3] ». Dans ce moment donc il n’y aura plus de méchants, ils seront séparés d’avec les bons ; et, semblable à un monceau de froment qu’on voit sur l’aire encore, mais parfaitement nettoyé, la multitude des saints sera placée en suite dans les célestes greniers de l’immortalité. Ne vanne-t-on pas le froment dans le lieu même où on l’a battu ? et l’aire où on l’a foulé pour le séparer de la paille ne s’embellit-elle point de la beauté de ce froment que

  1. Jn. 20, 29
  2. Jn. 21, 11 ; Voir ci-dev. serm. CCXLVIII, etc
  3. 1Co. 4, 5