Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/80

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témoignages dignes de foi, dans ce cas corrige-le, reprends-le, excommunie-le même et le dégrade ; la tolérance ne doit pas laisser dormir la discipline.

12. Mais, réplique-t-on, Cécilien a été condamné. Condamné ? Par qui ? Il l’a été d’abord en son absence ; ensuite, tout innocent qu’il était, par les vrais traditeurs, comme il a été dit, inséré dans les Actes et prouvé. Vainement ont-ils essayé d’affaiblir la force de la vérité et d’en voiler l’éclat, autant qu’ils l’ont pu, en élevant devant elle les vains nuages de persécutions imaginaires. Le Seigneur a été avec nous et les rayons de la vérité ont dissipé ces vaines ombres. Voyez même comment, sans le savoir, ils ont justifié l’Église universelle, cette Église dont nous sommes si heureux, quels que nous soyons, de partager la communion. Ce n’est pas notre cause que nous défendons, mais la sienne que nous soutenons, que nous faisons triompher, lorsque nous défendons l’aire du Seigneur, lorsque nous prêchons pour elle. Que t’importe ce que je suis sur cette aire sacrée ? J’attends le grand Vanneur[1]. Ne t’inquiète donc pas de cela ; si cependant tu veux le savoir, examine-le en paix afin de pouvoir guérir ton frère. Prends soin de la paille, si tu peux ; mais si tu ne peux en tirer parti, ne laisse pas là le froment, pour ce motif. Il arrive parfois que des pailles soient emportées de dessus l’aire ; des grains mêmes la quittent aussi, mais ils ne vont pas loin ; car il y a de bons ouvriers qui circulent incessamment autour de cette aire sainte et qui y font rentrer avec les instruments qui la nettoient, et en agissant avec une certaine violence, les grains qui en sont sortis. Ces instruments sont les lois de l’empire. Ramène, ramène ce froment, dût-il être mêlé à un peu de terre ; la présence de cette terre ne doit pas être cause qu’il se perde. Cécilien a été condamné, disent-ils. Oui, absent, il a été condamné une fois, et présent, justifié trois fois. C’est ce que nous leur avons répondu ; nous avons même, autant qu’il nous a été possible, adressé à ces hommes opiniâtres une leçon tirée de leur propre conduite ; nous leur avons dit : Pourquoi citer contre Cécilien un synode de soixante-dix évêques, puisque ces évêques n’ont condamné qu’un absent ? Les Maximianistes assemblés ont rendu plusieurs sieurs sentences contre Primien absent, et nous avons dit aux Donatistes : Ceux-là ont condamné Cécilien en son absence ; ceux-ci en son absence, ont condamné Primien. Si donc le jugement prononcé contre Primien absent ne prouve rien contre lui ; quelle valeur pourrait avoir ce qui s’est fait contre Cécilien en son absence ?

13. Ainsi pressés par nous, qu’ont-ils répondu, pensez-vous ? Eh ! que pouvaient-ils répondre ? Comment pouvaient-ils s’échapper de ce filet où les enveloppait la vérité même ? Toutefois, en s’agitant violemment pour le rompre, ils ont exprimé en peu de mots une pensée toute concluante en notre faveur. Ils ont fait entendre beaucoup d’autres réponses qui presque toutes étaient pour notre cause, ainsi que s’en assurera votre charité en lisant les Actes de la Conférence qui paraîtront bientôt ; mais il en est une que je vous prie, que je vous conjure, au nom du Christ, de retenir, de répéter avec soin, d’avoir toujours à la bouche ; car il était impossible de nous justifier d’une manière plus précise, plus solide et plus claire. Quelle est donc cette réponse ? Nous leur faisions l’objection suivante La sentence rendue contre Cécilien ne prouve pas plus contre lui que la sentence rendue contre Primien. Ce fut alors que leur défenseur s’écria : « Une cause ne fait rien à une autre cause, ni une personne à une autre personne[2] ». Quelle réponse, aussi courte que vraie et solide ! Cet avocat ne savait ce qu’il disait ; et quand il s’écria : « Une cause ne fait rien à une autre cause, ni une personne à une autre personne », il était comme Caïphe, qui prophétisa parce qu’il était pontife[3]. Or, si une cause ne fait rien à une autre cause,

  1. Mat. 3, 12
  2. Voir S. Aug. lett. CLXI, n. 6, t. 2 p. 328
  3. Jn. 11, 49