Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/170

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Seigneur[1] ». Ce jugement occulte est don la peine qui stimule chaque homme à se purifier, ou l’avertit de retourner à Dieu, ou le frappe d’un aveuglement qui le perdra s’il méprise la voix et les corrections du Seigneur. On appelle manifeste, ce jugement dans lequel Jésus-Christ viendra juger les vivants et les morts, où tous confesseront que c’est de lui que viendront et aux bons la récompense, et aux méchants le supplice. Mais cette confession faite alors, loin de remédier au malheur, portera la damnation à son comble. Il est probable que le Seigneur parlait de ce double jugement, dont l’un est occulte et l’autre manifeste, quand il disait : « Celui qui croit en moi, a passé de la mort à la vie, et ne tombera point au jugement[2] » ; c’est-à-dire au jugement visible. Car, passer de la mort à la vie, par une de ces afflictions, dont le Seigneur châtie ceux qu’il reçoit parmi ses enfants, c’est là le jugement occulte. « Celui qui ne croit point », disait-il encore, « est déjà jugé[3] », c’est-à-dire, que le jugement occulte de Dieu le prépare au jugement manifeste. Le Sage nous parle aussi de ces deux sortes de jugements, quand il dit : « Votre jugement les a livrés à la dérision comme de jeunes insensés ; et ceux que ce jugement n’a pas corrigés ont éprouvé le sévère jugement de Dieu[4] ». Ils sont donc réservés aux châtiments justes et sévères du jugement manifeste, ceux que ne redresse point le jugement secret du Seigneur. Ce psaume alors nous entretient des mystères du Fils, c’est-à-dire et de cet avènement dans son humilité, si utile aux nations, quand il tenait les Juifs dans l’aveuglement, et de cette peine dont Dieu se sert dans le secret, non pour damner les pécheurs, mais soit pour exercer la foi de ceux qui se convertissent, soit pour déterminer les autres à se convertir, soit afin de préparer à la damnation par l’aveuglement ceux qui demeurent dans l’impénitence.
2. « Je vous confesserai, Seigneur, dans toute l’étendue de mon cœur[5] » Douter quelque peu de sa providence, ce n’est point confesser Dieu de tout son cœur ; mais comprendre, dans les mystérieux desseins de la sagesse divine, combien se dérobe à nos regards la récompense de celui qui dit : « Nous goûtons la joie dans les afflictions[6] » ; comment toutes les peines corporelles qui nous affligent doivent aboutir à exercer ceux qui se convertissent à Dieu, ou à porter les pécheurs à se convertir, ou à préparer à la dernière et juste vengeance les pécheurs endurcis ; et de la sorte, rapporter au gouvernement de la divine Providence, tous ces événements que les insensés attribuent témérairement au hasard, et nullement à l’action divine ; c’est là confesser Dieu. « Je publierai toutes vos merveilles ». C’est publier toutes les merveilles de Dieu, que découvrir la main de Dieu, non seulement dans ce qu’elle opère de visible sur le corps, mais dans son action invisible et bien supérieure sur les âmes. Car les hommes terrestres et qui jugent par les yeux, verront une plus grande merveille dans la résurrection corporelle de Lazare, que dans la résurrection spirituelle de Paul le persécuteur[7]. Mais comme un miracle visible est pour l’âme un appel à la lumière, et qu’un miracle invisible éclaire celle qui obéit à cet appel ; c’est raconter toutes les merveilles de Dieu, que croire aux miracles visibles, et de là s’élever à l’intelligence des miracles invisibles.
3. « Je me réjouirai en vous, et en vous je tressaillerai d’allégresse[8] ». Ni ce monde, ni les voluptés de la chair, ni les saveurs qui flattent le palais et la langue, ni les odeurs suaves, ni l’harmonie des sons passagers, ni les couleurs si variées des corps, ni les vaines louanges des hommes, ni les épousailles et une postérité périssable, ni la surabondance des biens temporels, ni l’étude profane de ce que renferment les espaces, ou de tout ce qu’amène la succession des temps, rien de tout cela, Seigneur, « n’est le sujet de ma joie ; mais en vous, je tressaille d’allégresse », ou plutôt dans ces mystères du Fils, qui a « marqué sur notre front l’empreinte de votre lumière, ô mon Dieu[9] ». Car « vous les cacherez, dit le Prophète, dans le secret de votre face[10] ». C’est donc vous qui faites la joie et l’allégresse de ceux qui racontent vos merveilles ; et il racontera vos merveilles, celui que nous annonce le Prophète, et qui viendra faire, non sa propre volonté, mais la volonté de son Père qui l’a envoyé[11].
4. Nous commençons donc à voir que c’est Jésus-Christ qui parle dans ce psaume. Car le

  1. 1 Pi. 4,17
  2. Jn. 5,24
  3. Id. 3,18
  4. Sag. 12,25-26
  5. Ps. 9,2
  6. Rom. 5,3
  7. Jn. 11,44 ; Act. 9,1 ss
  8. Ps. 9,3
  9. Id. 4,7
  10. Id. 30,21
  11. Jn. 6,38