Que le péché ne règne plus dans notre corps mortel[1] », et le reste du passage. Alors l’âme apaisée se trouve en état d’acquérir le repos et le bonheur éternel. « Leur mémoire a péri avec fracas[2] », c’est-à-dire, la mémoire des impies. « Avec fracas », l’impiété ne se détruit pas sans bruit. Car nul homme n’arrive au calme du silence, à la paix profonde, s’il n’a d’abord fait à ses vices une guerre bruyante. Ou bien, « avec fracas », signifierait que la mémoire de l’impie périt avec ce fracas que fait ordinairement l’impiété.
9. « Tandis que le Seigneur demeure éternellement[3]. À quoi bon dès lors ces frémissements des nations et ces vaines machinations des peuples contre le Seigneur et contre son Christ[4] », puisque le Seigneur demeure éternellement ? « Il a préparé son trône pour le jugement, et il jugera l’univers dans l’équité[5] ». C’est quand il a été jugé qu’il a préparé son trône. La patience qu’il a montrée nous méritait le ciel, et ce Dieu caché dans l’homme, stimulait notre foi. C’est là le jugement occulte du Fils. Mais parce qu’il doit venir d’une manière visible et dans sa gloire pour juger les vivants et les morts, il s’est préparé un trône par un jugement caché. « Et il jugera ouvertement le monde « selon la justice », c’est-à-dire qu’il rendra à chacun selon son mérite, en plaçant les agneaux à sa droite et les boucs à sa gauche[6]. « Il jugera les peuples dans la justice », c’est la répétition de ce qui vient d’être dit, « qu’il jugera l’univers dans l’équité ». Dieu donc ne jugera point à la manière des hommes qui ne voient point le cœur, et qui en viennent plus souvent à renvoyer les coupables qu’à les condamner ; mais il jugera dans l’équité, selon la justice, selon le témoignage de la conscience, et selon que leurs pensées les accuseront ou les défendront[7].
10. « Et le Seigneur est devenu le refuge du pauvre[8] ». Quelles que soient les poursuites de cet ennemi qui a dû rebrousser en arrière, comment nuirait-il à ceux qui trouvent un asile dans le Seigneur ? Il sera leur refuge, si dans ce monde, dont Satan est le prince, ils choisissent la pauvreté, ne s’attachant à rien de ce qui échappe à notre avidité pendant cette vie, ou que nous abandonnons à la mort. C’est à ces pauvres que le Seigneur sert de refuge. « Il est leur appui dans les jours de bonheur, dans la tribulation[9] ». C’est lui qui fait le pauvre, puisqu’il chante celui qu’il reçoit au nombre de ses enfants[10]. Car le Prophète nous explique « l’appui dans les jours de bonheur », quand il ajoute : « Dans la tribulation ». L’âme, en effet, ne se tourne vers Dieu, qu’en répudiant le monde, alors que la fatigue et la douleur viennent se mêler à ses plaisirs si frivoles, si dangereux et si funestes.
11. « Qu’ils espèrent en vous ceux qui connaissent votre nom[11] », en cessant de mettre leur espoir dans les richesses, et dans les autres charmes de ce monde. L’âme qui se détache du monde, et qui cherche en qui mettre son espérance, se réfugie avec bonheur dans la connaissance du nom même de Dieu. À la vérité, ce nom se trouve aujourd’hui dans toutes les bouches ; mais le connaître, c’est connaître aussi Celui dont il est le nom. Car un nom n’est pas tel par lui-même, il n’a de valeur que dans sa signification. Or, il est dit : « Le Seigneur est son nom[12] ». Connaître son nom, c’est donc se mettre avec plaisir à son service. « Et qu’ils espèrent en vous, ceux qui connaissent votre nom ». Le Seigneur dit encore à Moïse « Je suis celui qui suis[13], et tu diras aux enfants d’Israël : Celui qui est, m’a envoyé. Que ceux-là donc, Seigneur, espèrent en vous qui connaissent votre nom », de peur qu’ils ne mettent leur espoir dans les biens qui passent avec la rapidité du temps, qui n’ont rien que le futur et le passé. À peine ce qu’ils ont de futur est-il arrivé, qu’il est déjà passé. On l’atteint avec empressement, on le perd avec douleur. Mais dans la nature divine, il n’y a rien de futur qui ne soit point encore, rien de passé qui ne soit plus ; être, c’est là tout ce qu’elle est, c’est l’éternité. Qu’ils cessent donc de mettre leur espoir et leur amour dans les biens du temps, qu’ils élèvent leur espérance jusqu’à l’éternité, ceux qui connaissent le nom de celui qui a dit : « Je suis celui qui suis », et dont il est écrit : « Celui qui est, m’a envoyé. Parce que vous n’abandonnerez pas, Seigneur, ceux qui vous cherchent ». Le chercher, c’est ne plus chercher des biens passagers et périssables, puisque « nul ne peut servir deux maîtres[14] ».
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