Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/186

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de leur calice », c’est, je crois, pour nous détourner de croire que, même dans le supplice des méchants, la Providence outrepasse les bornes de l’équité. Aussi a-t-il ajouté, comme pour nous rendre raison de ces châtiments : « C’est que le Seigneur est juste, et qu’il aime les justices[1] ». Et ce n’est pas sans raison qu’il dit les justices, au pluriel, afin de nous montrer dans ces justices les justes eux-mêmes. Car il semble que dans plusieurs justes, il y ait plusieurs justices, bien qu’il n’y en ait qu’une seule en Dieu, qui est la source des autres ; comme si un seul visage se trouvait en face de plusieurs miroirs, ceux-ci le refléteraient et feraient apparaître plusieurs fois ce visage, néanmoins unique. Aussi le Prophète revient-il au singulier, en s’écriant : « Sa face a vu l’équité ». Et peut-être a-t-il dit : « Sa face a vu l’équité », dans le même sens qu’il dirait : C’est dans sa face que l’on voit l’équité, c’est-à-dire quand on connaît sa face. Car la face de Dieu, c’est la puissance qu’il a de se faire connaître à ceux qui en sont dignes. Ou bien : « Sa face a vu l’équité », parce qu’il ne se fait pas connaître aux méchants, mais aux bons ; et c’est là l’équité.

12. Si l’on veut que la lune soit la synagogue, il faut alors entendre le psaume de la passion du Sauveur, et dire des Juifs, « qu’ils ont détruit ce que Dieu avait rendu parfait » ; et du Seigneur : « Pour le juste, qu’a-t-il fait ? » lui qu’ils accusaient de détruire la loi, tandis qu’eux-mêmes en détruisaient les préceptes par une vie coupable, et les méprisaient jusqu’à les remplacer par leurs traditions. Alors Jésus-Christ, selon sa coutume, parlerait dans son humanité, et dirait : « Ma confiance est dans le Seigneur ; comment dites-vous à mon âme : Va, passereau, vers les montagnes ? » répondant ainsi aux menaces de ceux qui le cherchaient pour le prendre et le crucifier. Alors les pécheurs voulaient décocher leurs flèches sur les justes ou sur ceux qui croyaient en Jésus-Christ, et l’obscurité de la lune peut fort bien désigner la synagogue remplie d’hommes pervers. C’est à cela que se rapporterait ce passage : « Le Seigneur habite son saint temple ; le Seigneur a son trône dans le ciel », c’est-à-dire le Verbe, ou le Fils de Dieu qui est dans le ciel, habite aussi dans l’homme. « Ses yeux regardent le pauvre », c’est-à-dire cet homme dont il s’est revêtu, tout Dieu qu’il était, ou celui pour lequel il a souffert dans son humanité. « Ses paupières interrogent les enfants des hommes ». Fermer les yeux, puis les ouvrir, voilà probablement ce qu’il désigne sous le nom de paupières, et que nous pouvons entendre de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ ; car alors il éprouva les fils des hommes ou ses disciples, que sa mort avait effrayés, et que réjouit sa résurrection. « Le Seigneur interroge le juste et l’impie », en gouvernant l’Église du haut du ciel. « Mais celui-là hait son âme qui aime l’iniquité », et la suite nous en montre la raison. Ce passage : « Il fera pleuvoir des pièges sur l’impie », ainsi que le reste du psaume jusqu’à la fin, doit s’entendre dans le sens indiqué plus haut.

  1. Ps. 10,7