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—Il est vraiment sans tache celui qui n’a pas même ce péché, qui est pour nous le dernier quand nous revenons à Dieu, comme il a été le premier quand nous l’avons abandonné.

15. « Et alors les paroles de ma bouche vous seront agréables, et les pensées de mon cœur seront toujours en votre présence[1] ». Mon cœur ne recherchera plus cette vaine gloire de plaire aux hommes, puisqu’il n’y a plus en moi nul orgueil ; mais je le tiendrai toujours en votre présence, car vous voyez les cœurs purs. « Seigneur, vous êtes mon soutien et mon rédempteur ». Vous êtes mon soutien quand je me dirige vers vous, et c’est pour que j’aille à vous que vous m’avez racheté. Quiconque ose attribuer à sa propre sagesse de s’être tourné vers vous, ou à ses forces d’arriver à vous, n’en sera que rejeté plus loin, puisque vous résistez aux superbes[2] et il n’est point exempt de cette faute principale, ni agréable à vos yeux, Seigneur, qui nous rachetez afin que nous nous convertissions à vous, et qui nous aidez afin que nous parvenions auprès de vous.

DEUXIÈME DISCOURS SUR LE MÊME PSAUME.

Dans ce second discours saint Augustin tire les conséquences morales et pratiques de l’exposé précédent : 1o quant à la grâce de Dieu qui nous est acquise par les mérites de Jésus Christ ; 2o quant à l’unité et à la visibilité de l’Église, contre les hérétiques ; 3o quant aux dispositions qu’exige de nous la vraie conversion.

1. Après avoir supplié le Seigneur de nous purifier de nos fautes ignorées, de préserver ses serviteurs des péchés des autres, il nous faut comprendre le sens de cette prière, afin de chanter en esprit les louanges du Seigneur, en hommes raisonnables, et non comme les oiseaux ; car on voit chaque jour le merle et le perroquet, le corbeau et la pie, apprendre des hommes à former des sons qu’ils ne comprennent point. Mais Dieu a bien voulu faire à l’homme le don de comprendre ce qu’il chante ; et c’est avec douleur que nous voyons tant d’impies et de libertins exhaler des chants dignes de leurs oreilles et de leurs cœurs d’autant plus coupables en cela qu’ils ne peuvent ignorer ce qu’ils chantent. Car ils savent que leurs chants sont criminels, et néanmoins ils les redisent avec une allégresse d’autant plus vive qu’elle est plus immonde, et ils se croient d’autant plus joyeux qu’ils sont plus lubriques. Pour nous, qui avons appris à chanter dans l’Église les cantiques divins, nous devons nous efforcer d’atteindre cette perfection ainsi formulée : « Bienheureux le peuple qui entend la louange[3] ». Il faut donc, mes bien-aimés, étudier et comprendre avec le calme du cœur, ce que nous avons chanté à l’unisson des voix. Chacun de nous, dans ce cantique, a supplié le Seigneur, et a dit à Dieu : « Purifiez-moi, Seigneur, de mes fautes cachées, préservez votre serviteur des péchés des autres. Si je n’en ressens point la tyrannie, je serai sans tache, et pur d’un grand péché[4] ». Pour bien comprendre le sens et la portée de ces paroles, voyons rapidement, et avec le secours de Dieu, le texte du psaume.

2. C’est une allégorie du Christ, et nous le voyons clairement dans ces paroles : « Il est sorti comme l’Époux de son lit nuptial[5] ». Quel est cet Époux, sinon celui à qui l’Apôtre a fiancé une vierge ? et dans ses chastes sollicitudes, ce fidèle ami de l’Époux craint que, comme elle fut séduite par les artifices du serpent, les sens de cette virginale Épouse du Christ ne se corrompent et ne dégénèrent de la chasteté qui est dans le Christ[6]. C’est donc

  1. Ps. 18,15
  2. Jac. 4,6
  3. Ps. 88,16
  4. Ps. 18,13-14
  5. Id. 16
  6. 2 Cor. 11,3