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du Seigneur. « Et les cieux publieront sa justice ». Les évangélistes annonceront sa justice. « Au peuple qui doit naître, et que le Seigneur a fait[1] » ; au peuple que la foi doit engendrer au Seigneur.

DEUXIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME 21

Discours prêché à la solennité de la Passion.


1. Je ne dois point garder sous silence, et vous devez écouter ce que le Seigneur n’a pas voulu taire dans ses saintes Écritures. La passion de Notre-Seigneur est arrivée une fois, nous le savons ; une seule fois le Christ est mort, l’innocent pour les coupables[2]. Nous le savons, nous en avons la certitude, nous croyons d’une foi inébranlable, « que Jésus-Christ une fois ressuscité d’entre les u morts ne meurt plus, et que la mort n’aura plus d’empire sur lui[3] ». Ainsi l’a dit saint Paul : et de peur que nous ne venions à oublier ce-qui s’est fait une fois, nous en célébrons chaque année la mémoire. Est-ce à dire que Jésus-Christ meurt chaque fois que nous célébrons la Pâque ? Néanmoins ce souvenir annuel nous remet en quelque sorte sous les yeux ce qui s’est fait une fois, et nous émeut aussi vivement que si nous voyions le Christ appendu à la croix, non pour lui insulter, mais pour croire en lui. Car à la croix il fut persillé, et on l’adore aujourd’hui qu’il est dans le ciel. N’est-il plus insulté aujourd’hui, et avons-nous encore à nous indigner contre les Juifs qui l’ont tourné en dérision à la croix, et non dans son règne céleste ? Et qui donc se moque aujourd’hui du Christ ? Plût à Dieu qu’il n’y en eût qu’un seul, que deux, qu’on pût même les compter ! Toute la paille qui est dans son aire, se rit de lui, et le bon grain gémit de voir le Seigneur insulté. Je veux en gémir avec vous ; car voici le temps des pleurs. Nous célébrons la Passion du Sauveur ; c’est le temps de gémir, le temps de pleurer, le temps de confesser nos fautes et d’en implorer le pardon. Et qui de nous pourrait verser autant de larmes qu’en méritent ses incomparables douleurs ? Écoutons le Prophète : « Qui donnera, dit-il, de l’eau à ma tête, et à mes yeux une source de larmes[4] ? » Non, une source de larmes, fût-elle réellement dans mes yeux, ne suffirait point, quand nous voyons le Christ persiflé lorsque la vérité est si claire, et quand nul ne peut dire : Je ne savais pas. Car c’est à celui qui possède l’univers entier, que l’on ose bien en offrir une partie ; c’est à celui qui est assis à la droite de son Père, que l’on dit : Qu’y a-t-il ici qui vous appartienne ? et au lieu de toute la terre, on ne lui montre que l’Afrique.
2. Que deviennent, mes frères, les paroles que vous venez d’entendre ? Que ne pouvons-nous les écrire avec des larmes ? Quelle est cette femme qui vint avec des parfums[5] ? De qui était-elle un symbole ? N’est-ce point de l’Église ? Que figurait le parfum qu’elle portait ? N’est-ce point cette bonne odeur dont l’Apôtre a dit : Nous sommes en tous lieux la bonne odeur de Jésus-Christ[6] ? Et saint Paul nous désigne aussi l’Église ; car en disant : « nous sommes », il s’adresse aux fidèles. Et que leur dit-il ? Nous sommes en tous lieux la bonne odeur de Jésus-Christ. Voilà donc saint Paul qui nous dit que les fidèles sont partout la bonne odeur de Jésus-Christ, et l’on ose le contredire ? on soutient que l’Afrique seule est une bonne odeur, que le reste du monde n’a qu’une odeur fétide ? Qui donc affirme que nous sommes en tous lieux la bonne odeur du Christ ? L’Église. C’est cette bonne odeur que figurait ce vase de parfums répandu sur le Sauveur. Voyons si le Christ ne l’atteste pas lui-même. Quand des hommes zélés pour leurs intérêts, avares et voleurs, c’est-à-dire quand Judas disait de ce parfum : « Pourquoi le perdre ainsi ? on aurait pu

  1. Ps. 21,32
  2. 1 Pi. 3,18
  3. Rom. 6,9
  4. Jer. 9,1
  5. Mt. 26,7
  6. 2 Cor. 2,14