Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/217

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et qui pourraient encore craindre la mort ? De là vient que cette prière était la prière des membres, et non du chef. Il en est de même de ces paroles : « J’ai crié vers vous le jour et la nuit, et vous ne m’exaucerez point ». Beaucoup en appellent à Dieu dans l’affliction et ne sont point exaucés ; mais c’est pour leur salut, et non parce qu’ils sont insensés. Paul demanda d’être délivré de l’aiguillon de la chair et ne l’obtint point ; il entendit cette réponse : « Ma grâce te suffit, car la vertu use perfectionne dans la faiblesse[1] ». Dieu donc ne l’exauça point ; et ce refus, loin de l’accuser de folie, devait le former à la sagesse ; car l’homme doit comprendre que Dieu est médecin, et que l’affliction est un remède pour nous guérir et non un châtiment qui aboutisse à la damnation. Pour vous guérir, on brûle, on tranche, et vous criez ; le médecin est sourd à vos désirs, il cherche uniquement à vous guérir.
5. « Pour vous, ô gloire d’Israël, vous habitez dans le sanctuaire[2] ». Vous habitez en ceux que vous sanctifiez, et à qui vous faites comprendre que si vous repoussez des demandes, c’est pour le bien de ceux qui supplient, et que vous en exaucez d’autres pour leur propre perte. Ce fut pour l’avantage de saint Paul que Dieu rejeta sa prière, et pour la confusion de Satan qu’il accueillit la sienne. Il avait demandé de tenter Job, ce qui lui fut accordé[3]. Les démons demandèrent d’entrer dans les pourceaux, et Jésus le leur permit[4]. Ainsi les démons sont exaucés, l’Apôtre ne l’est pas : mais ils sont exaucés pour leur confusion ; et dans l’intérêt de son salut, l’Apôtre ne le fut point. « Ce n’est point pour me convaincre de folie. Vous êtes la gloire d’Israël et vous habitez dans vos saints ». Pourquoi n’exaucez-vous pas même ceux qui sont à vous ? Mais pourquoi parler ainsi ? Souvenez-vous de dire toujours : Grâces à Dieu, devant cette foule d’assistants, et plusieurs sont venus qui ne viennent point d’ordinaire. Je dis donc pour tous que l’affliction n’est pour le chrétien qu’une épreuve, s’il n’abandonne pas le Seigneur. Quand l’homme est heureux au-dehors, le chrétien est dans un délaissement intérieur. Le feu est mis à la fournaise, et cette fournaise de l’orfèvre est le symbole d’un grand mystère. Il y a là de l’or, il y a de la paille, il y a du feu qui agit dans un lieu resserré. Le feu est le même, l’effet en est bien différent ; il réduit la paille en cendre et ôte à l’or ses scories. Ceux en qui habite le Seigneur deviennent ainsi meilleurs par l’affliction, ils sont éprouvés comme l’or. Si donc le démon notre ennemi demande quelqu’un et qu’il l’obtienne de Dieu, alors, soit dans les maladies corporelles, soit dans la perte des biens, soit dans la mort de ses proches, que le chrétien maintienne son cœur entre les mains de celui qui ne l’abandonne et qui ne paraît fermer l’oreille à sa douleur que pour écouter ensuite sa prière avec miséricorde. L’artisan qui nous a faits sait ce qu’il doit faire, il sait aussi comment nous réconforter. C’est un habile architecte qui a construit l’édifice, il sait réparer ce qui a pu s’en écrouler.
6. Écoutez encore ce que dit le Prophète : « En vous ont espéré nos pères ; ils ont espéré, et vous les avez délivrés[5] ». Nous savons, pour l’avoir lu dans les Écritures, combien de nos pères Dieu a délivrés, parce qu’ils espéraient en lui, Il a délivré de l’Égypte tout le peuple d’Israël[6]. Il a délivré les trois jeunes hommes des flammes de la fournaise ; il a délivré Daniel de la fosse aux lions[7], et Susanne d’une accusation mensongère[8] : tous l’invoquèrent, tous furent délivrés ( Id. 13). A-t-il fait défaut à son Fils, au point de ne point l’exaucer sur la croix ? Pourquoi donc n’est-il pas délivré à l’instant, celui qui a dit : « Nos pères ont espéré en vous, et vous les avez délivrés ? »
7. « Pour moi, je suis un ver et non pas un homme[9] ». Un ver et non pas un homme. L’homme aussi est un ver, mais celui-ci est un ver et non pas un homme. Pourquoi pas un homme ? Parce qu’il est Dieu. Pourquoi s’est-il abaissé au point de se dire « un ver ? » Est-ce parce qu’un ver naît de la chair spontanément comme le Christ est né de la vierge Marie ? Il est donc un ver ? Et toutefois il n’est pas un homme. Pourquoi un ver ? Parce qu’il est mortel, parce qu’il est né de la chair, parce qu’il est né d’une vierge et sans le concours d’aucun homme. Pourquoi n’est-il pas un homme ? Parce que le Verbe était au commencement, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu[10].
8. « Je suis l’opprobre des hommes, le rebut de la populace[11] ».

  1. 2 Cor. 12,9
  2. Ps. 21,4
  3. Job. 1,11
  4. Mt. 8,31
  5. Ps. 21,5
  6. Exod. 12,51
  7. Dan. 3
  8. Id. 14
  9. Ps. 21,7
  10. Jn. 1,1
  11. Ps. 21,7