Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/244

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qui demeure au-dessus de toute expression. Où l’offrons-nous ? Dans son tabernacle, dans la sainte Église. Quelle est cette hostie ? Une joie infinie, inénarrable, que nulle parole ne peut exprimer. Telle est cette hostie d’allégresse. Où la chercher et où la trouver ? En cherchant de toutes parts. « J’ai jeté les yeux partout », dit le Prophète, et « j’ai offert dans son tabernacle une hostie d’acclamation ». Que ton âme s’adresse à toute créature, et toute créature te répondra : C’est Dieu qui m’a faite. Tout le beau d’une œuvre d’art fait l’éloge de l’ouvrier, et ton admiration pour l’Ouvrier suprême grandira, à mesure que tu considéreras ses œuvres. Tu vois le ciel, c’est le chef-d’œuvre de Dieu. Tu vois la terre, c’est Dieu qui l’a couverte de ces plantes sans nombre, de ces germes variés à l’infini, qui l’a peuplée d’animaux. Parcours une seconde fois les cieux et la terre, que rien ne t’échappe ; de toutes parts tu entendras publier la gloire du Créateur ; et ces beautés si diverses des créatures forment un concert harmonieux en l’honneur de celui qui les a faites. Qui pourra nous expliquer toute la création ? Qui en dira – les merveilles ? Qui pourrait chanter dignement les cieux, la terre, les mers, et tout ce qu’ils renferment ? Ce ne sont là toutefois que des créatures visibles. Qui chantera dignement les anges, les trônes, les dominations, les principautés, les puissances ? Qui pourra louer dignement ce qu’il y a de vital en nous, qui anime notre corps, qui fait mouvoir nos membres, qui agit sur nos sens, qui embrasse tant de choses par la mémoire, qui nous fait discerner par l’intelligence ? Si le langage humain devient si pauvre quand il s’agit des créatures de Dieu, comment louer le Créateur, à moins qu’à défaut de paroles, nous n’ayons recours à des acclamations ? « J’ai cherché partout et j’ai offert au Seigneur, dans son tabernacle, une hostie d’acclamation ».
13. On peut donner à ces paroles un autre sens qui me paraît plus en harmonie avec la suite du Psaume. L’interlocuteur dit qu’il a été élevé sur le rocher, qui est le Christ ; que sa tête, qui est aussi le Christ, a été élevée au-dessus de ses ennemis : il veut donc nous faire comprendre que lui-même, élevé sur le rocher, a été encore, dans son chef adorable, élevé au-dessus de ses ennemis ; faisant allusion à la gloire de l’Église à qui ses persécuteurs ont dû céder la victoire ; et comme cette victoire est la conversion de l’univers entier à la foi de Jésus-Christ : « J’ai jeté les yeux partout », dit le Prophète, « et j’ai offert à Dieu, dans son tabernacle, une hostie de bénédiction » ; c’est-à-dire, j’ai considéré la foi de tout l’univers, cette foi qui élève ma tête bien au-dessus de mes persécuteurs, et dans le temple du Seigneur, ou plutôt dans cette Église qui embrasse le monde, je l’ai béni, avec une joie ineffable.
14. « Je bénirai le Seigneur, je chanterai des hymnes en son honneur » Tranquilles alors, nous chanterons le Seigneur sans crainte, et sans crainte nous le bénirons, quand nous contemplerons sa beauté, quand il nous protégera comme son temple, et quand la mort, absorbée dans sa victoire, nous aura délivrés de la corruption[1]. « Que dire à présent que nous avons exposé les joies que nous devons goûter, quand notre prière unique sera exaucée ? Que dire maintenant ? Seigneur, exaucez ma voix »[2]. Gémissons donc maintenant, prions maintenant : pour le malheureux, il n’y a qu’à gémir, pour l’indigent, qu’à prier. La prière passera, et fera place aux jubilations ; les pleurs passeront et feront place à la joie. Maintenant donc, pendant que nous sommes dans les jours mauvais, ne cessons d’invoquer le Seigneur, de lui adresser l’unique prière ; que cette prière ne soit jamais interrompue, jusqu’à ce qu’enfin, par sa grâce et sous sa direction, nous arrivions à le contempler. « Écoutez, Seigneur, ma voix qui crie vers vous ; ayez pitié de moi, exaucez-moi »[3]. Telle est sa demande unique, tant que puissent durer son invocation, ses gémissements et ses larmes, il ne fait qu’une seule demande. Il a mis fin tous ses désirs, il ne lui reste que celui d’être exaucé.
15. Voyez la prière qu’il a réellement faite : « Mon cœur vous a dit : J’ai cherché votre face »[4]. C’est le même sens qu’il exprimait tout à l’heure : « Je veux contempler la beauté du Seigneur, mon cœur vous a dit : J’ai cherché votre face ». Si nous mettions notre joie à contempler le soleil d’ici-bas, ce n’est pas notre cœur qui dirait : « J’ai recherché votre face ». Mais plutôt les yeux de notre corps. Mais à quel autre notre cœur peut-il dire : « J’ai recherché votre face »,

  1. 1 Cor. 15,54
  2. Ps. 26,7
  3. Id. 7
  4. Id. 8