Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/246

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là sera sauvé, qui aura persévéré jusqu’à la fin »[1]. Avec le libre arbitre, tu crois pouvoir marcher ; ne présume rien de toi-même ; que le secours t’abandonne, et il n’y aura pour loi que défaillance en chemin, que chute, égarement, immobilité. Dites-lui donc : Il est vrai, Seigneur, que vous m’avez donné une volonté libre, et que sans vous mes efforts ne sont rien. « Soyez mon aide, ne m’abandonnez pas ; ne me rejetez pas, ô Dieu, qui êtes mon salut »[2]. Vous m’aiderez, car je suis l’ouvrage de vos mains ; vous n’abandonnez pas vos créatures.
18. « Voilà donc que mon père et ma mère m’ont abandonné »[3]. Il se fait petit enfant devant Dieu et le choisit pour son père, le considère comme sa mère. Dieu est un père, parce qu’il crée, parce qu’il appelle à son service, parce qu’il ordonne, parce qu’il gouverne ; il est une mère, parce qu’il réchauffe, qu’il nourrit, qu’il allaite, qu’il porte dans son sein, « Mon père donc et ma mère m’ont abandonné ; mais le Seigneur m’a pris » pour me diriger et me nourrir. Des parents qui doivent mourir ont engendré ; des fils mortels ont succédé à des parents mortels ; ils sont nés pour succéder, après le décès des parents : mais celui qui m’a créé, ne mourra point ; et moi, je ne me séparerai jamais de lui. « Mon père et ma mère m’ont abandonné, mais le Seigneur m’a recueilli ». En dehors de ces deux parents, de cet homme et de cette femme qui ont été pour nous Adam et Eve, et nous ont donné une vie corporelle, nous avons, ou plutôt nous avons eu un autre père, et une autre mère. Le démon qui est le père de ce siècle, était notre père quand nous étions dans l’infidélité ; car le Seigneur dit aux infidèles : « Vous avez le diable pour père »[4]. Si donc c’est là le père de tous les impies qui agit sur les enfants rebelles[5], qu’elle sera leur mère ? Il est une certaine cité que l’on nomme Babylone ; c’est la cité des enfants de perdition, depuis l’Orient jusqu’à l’Occident : à elle appartient l’empire de la terre. Elle est la capitale de ce que vous appelez la République, que vous voyez vieillir de jour en jour, et décroître. C’est elle qui fut d’abord notre mère, c’est en elle que nous avons pris naissance. Nous avons depuis connu un autre père, et nous avons quitté le diable. Comment oserait-il approcher de ceux qu’a recueillis un Dieu tout-puissant ? Nous connaissons une autre mère, la Jérusalem céleste ou la sainte Église dont une portion encore est en exil sur la terre ; et nous avons quitté Babylone. « Mon père et ma mère m’ont abandonné » : ils n’ont plus aucun bien à me faire ; et quand ils paraissaient m’en faire quelqu’un, c’était vous qui me le faisiez, ô mon Dieu, et je le leur attribuais.
19. Qui peut, si ce n’est Dieu seul, faire en ce bas monde quelque bien à l’homme ? Qui peut lui rien enlever, sans l’ordre ou la permission de Dieu qui nous a tout donné ? Mais les hommes, dans leur folie, croient tenir ces richesses des démons qu’ils adorent, et souvent ils se disent en eux-mêmes que Dieu leur est nécessaire pour la vie éternelle, pour la vie éternelle, vie toute spirituelle, mais que pour les biens de cette vie, il faut rendre un ermite à ces puissances diaboliques. O hommes insensés t vous donnez donc la préférence à ces biens qui vous font adorer les démons ; car ou vous préférez le culte des démons, ou si vous ne l’aimez mieux, c’est du moins autant. Dieu, cependant, ne peut souffrir que l’on partage l’encens entre ses autels et ceux du démon, dût-on lui rendre les plus grands honneurs, et pour eux, les restreindre de beaucoup. Comment ? me diras-tu, ne sont-ils donc point nécessaires pour les biens d’ici-bas ? Nullement. Ne devons-nous pas craindre au moins qu’ils ne nous soient nuisibles ? Ils ne peuvent nous nuire que si Dieu le permet. Toujours ils sont prêts à nous nuire, et vos supplications ne fléchiront point leur désir implacable de faire le mal. Tel est le caractère distinctif de leur malice. Donc, le culte que vous leur rendrez ne peut aboutir qu’à offenser Dieu, qui dans sa juste vengeance vous livrera en leur pouvoir : impuissants à vous nuire, si Dieu vous eût été favorable, ils feront de vous vira jouet de leur malice, parce que vous l’aurez offensé. Pour vous montrer, ô vous qui avez ces pensées, que votre culte aux démons est inutile, même pour les biens temporels, n’y a-t-il donc jamais eu de naufrage pour aucun adorateur de Neptune ? et nul de ceux qui l’ont en horreur n’est-il arrivé au port ? Toutes les mères qui invoquent Junon obtiennent-elles un enfantement heureux, et toutes celles qui l’ont en horreur n’ont-elles qu’un enfantement malheureux ?

  1. Mt. 19,22
  2. Ps. 21,5
  3. Id. 10
  4. Jn. 8,44
  5. Eph. 2,2