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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/268

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une justice de Dieu, qui devient aussi la nôtre, par le don que Dieu nous en fait. Mais elle est appelée justice de Dieu, de peur que l’homme ne vienne à croire qu’il a cette justice par lui-même. Car voici les paroles de saint Paul : « La foi est imputée à justice, à l’homme qui croit en celui qui justifie l’impie »[1]. Qu’est-ce que justifier l’impie ? C’est le rendre juste d’impie qu’il était. Or, les Juifs ont cru pouvoir accomplir la justice par leurs propres forces, et ils ont heurté contre la pierre d’achoppement et la pierre de scandale[2], et n’ont point connu la grâce du Christ. Ils ont reçu la loi qui les a rendus coupables, mais non délivrés de leurs fautes. Que dit encore le même Apôtre à ce sujet ? « Je leur rends ce témoignage qu’ils ont du zèle pour Dieu, mais non point selon la science »[3]. Qu’est-ce à dire que le zèle des Juifs n’est point selon la science ? Ecoute, pourquoi n’est-il point selon la science ? « Car ne connaissant point la justice de Dieu, mais s’efforçant d’établir leur propre justice, ils ne se sont point soumis à la justice de Dieu »[4]. Si donc leur zèle n’est point selon la science, parce qu’ils ignorent la justice qui vient de Dieu, et qu’ils s’efforcent d’établir leur propre justice, comme s’ils pouvaient devenir justes par eux-mêmes, dès lors ils n’ont point connu la grâce de Dieu, et n’ont pas voulu du salut gratuit. Qui donc est sauvé gratuitement ? C’est celui en qui le Sauveur ne trouve rien à couronner, mais seulement à damner, rien qui mérite la faveur, tout ce qui mérite le supplice. S’il agit dans la rigueur de la loi qu’il a posée, il doit damner le pécheur. Mais, d’après cette loi, qui délivrerait-il ? Car il trouve des péchés dans tous les hommes. Lui seul est sans péché, qui nous trouve tous pécheurs. Voilà ce que dit l’Apôtre : « Tous ont péché, tous ont besoin de la gloire de Dieu »[5]. Qu’est-ce à dire, qu’ils ont besoin de la gloire de Dieu ? Besoin d’être délivrés par Dieu et non par toi. Impuissant à te délivrer toi-même, tu as besoin d’un libérateur. De quoi te glorifier encore ? Pourquoi tirer vanité de la loi et de la justice ? Ne vois-tu pas, en toi-même, ce qui se sert de toi pour te combattre ? N’entendras-tu point ce noble athlète avouant sa faiblesse et demandant du secours dans la lutte ? N’entendras-tu point l’athlète du Seigneur qui, dans sa lutte, implore l’assistance de celui qui préside aux combats ? Car il n’en est pas du Seigneur qui te voit combattre, comme de celui qui donne des spectacles, si tu combats dans l’amphithéâtre. Celui-ci pourra bien te décerner des prix, si tu es vainqueur, mais il ne peut te secourir dans le danger. Ce n’est point ainsi que Dieu te regarde. Vois donc avec attention celui qui dit : « Selon l’homme intérieur, je fais mes délices de la loi de Dieu, mais je sens dans mes membres une autre loi qui combat contre la loi de l’esprit, et me tient captif sous la loi du péché qui est dans mes membres. Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ? La grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur »[6]. Pourquoi est-ce une grâce ? Parce qu’elle est donnée gratuitement. Comment est-elle donnée gratuitement ? Parce que les mérites ne l’ont point précédée, et que la bonté de Dieu t’a prévenu. À lui donc la gloire de notre délivrance ? « Tous ont péché, et ont besoin de la gloire de Dieu. C’est en vous, Seigneur, que j’ai placé mon espérance », et non point en moi : « ma confusion ne sera pas éternelle » ; parce que j’espère en celui qui ne confond point notre attente. « Délivrez-moi dans votre justice, et sauvez-moi ». Puisque vous ne trouvez en moi aucune justice, délivrez-moi par la vôtre ; c’est-à-dire, que je sois délivré par cette même cause qui me justifie, qui d’impie me rend à la piété, de méchant me fait juste, d’aveugle me rend à la lumière, qui me relève de mes chutes, et change mes larmes eu joie. Voilà ce qui me délivre, et non point moi-même. « Sauvez-moi dans votre justice, et délivrez-moi ».
7. « Inclinez vers moi votre oreille »[7]. C’est là ce qu’a fait le Seigneur quand il nous envoya son Christ. Il nous a envoyé celui qui baissait la tête pour écrire du doigt sur lu terre, quand on lui présenta une femme adultère à condamner[8]. Mais lui s’était baissé vomi la terre, ou plutôt Dieu s’était abaissé jusqu’à l’homme, à qui il a été dit : « Tu es terre, et tu retourneras en terre »[9], Car ce n’est point d’une manière corporelle que Dieu incline vers nous son oreille, et il n’est point circonscrit dans les membres d’un corps. Loin de nos pensées tout fantôme humain, Dieu est

  1. Rom. 4,5
  2. Id. 11,32
  3. Id. 10,2
  4. Id. 3
  5. Id. 23
  6. Rom. 7,22-25
  7. Ps. 30,3
  8. Jn. 8,6
  9. Gen. 3,19