Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/272

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revêtus de la gloire de cette maison céleste comme d’un second vêtement. Si toutefois nous sommes trouvés vêtus, et non pas nus. Pendant que nous sommes dans ce corps comme dans une tente, nous gémissons sous sa pesanteur, parce que nous désirons, non pas d’être dépouillés, mais d’être comme revêtus par-dessus ; en sorte que ce qu’il y a de mortel, soit absorbé par la vie »[1]. Nous voulons arriver au royaume de Dieu, mais non par le chemin de la mort ; et toutefois la nécessité vient nous dire : Tu en viendras là. Tu ne veux point en venir là, ô homme fragile, et c’est par là que Dieu est venu jusqu’à toi. Quelle dure nécessité aussi, de vaincre nos désirs vieillis, nos habitudes invétérées ! Vaincre une habitude, c’est un douloureux combat, tu le sais. Tu vois bien que tes actes sont mauvais, sont détestables, malheureux, et néanmoins tu t’obstines : ce que tu as fait hier, tu le feras demain. Si mon langage te déplaît à ce point, combien ta propre pensée doit te peser ! Et néanmoins tu retomberas encore. D’où vient cet entraînement ? Qui peut l’assujettir jusque-là ? Y a-t-il dans tes membres une loi contraire à la loi de ton esprit ? crie alors : « Malheureux homme que je suis ! qui me délivrera de ce corps de mort ? La grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur »[2]. Et alors s’accomplira en toi ce que je disais tout à l’heure : « Pour moi j’ai mis mon espoir dans le Seigneur : je tressaillirai et je triompherai dans votre miséricorde, parce que vous avez jeté les yeux sur mon humiliation, et arraché mon âme aux assujettissements de cette vie ». D’où vient que ton âme a été dégagée de ces assujettissements, sinon parce que Dieu a jeté un regard sur ton humilité ? Si tu ne te fusses humilié, il ne t’aurait point exaucé en dégageant ton âme des sujétions de la vie. Il s’humiliait, celui qui disait : « Malheureux homme que je suis ! qui me délivrera de ce corps de mort ? » Mais ils ne s’humiliaient point, ceux qui, « méconnaissant la justice de Dieu, et voulant établir leur propre justice, ne se sont point soumis à celle de Dieu »[3].
14. « Vous ne m’avez point resserré entre les mains de mon ennemi »[4] : non point de ton voisin ni de ton copartageant, ni de ce compagnon d’armes que tu as blessé, ni de quelqu’un de ta propre ville que tu as peut-être offensé par tes injures. Nous nous sommes mis dans l’obligation de prier pour tous ceux-là. Mais nous avons un autre ennemi qui est le diable, l’antique serpent. Tous, nous échapperons à sa puissance par la mort, si notre mort est sainte. Quiconque meurt dans le péché, est jeté par cette mort funeste entre les mains du diable, pour être avec lui condamné à un supplice sans fin. C’est donc le Seigneur notre Dieu qui nous arrache aux étreintes de l’ennemi ; et cet ennemi veut nous prendre par le moyen de nos convoitises. Or, nos convoitises, quand elles grandissent au point de nous assujettir, elles s’appellent des nécessités. Donc, une fois que le Seigneur aura délivré notre âme de ces nécessités, quelle prise aura le démon sur nous, pour nous assujettir à sa puissance ?
15. « Vous avez affermi mes pas dans la voie spacieuse »[5]. Assurément la voie est étroite[6] ; étroite pour l’âme servile, mais large pour l’amour ; l’amour élargit ce qui est trop resserré. « Vous avez affermi mes pas », dit-il, « dans la voie spacieuse », de peur que mes pieds, trop à l’étroit, ne vinssent à s’embarrasser, et par cet embarras causer ma chute. Qu’est-ce à dire : « Vous avez mis mes pieds dans un lieu spacieux ? » Vous m’avez rendu faciles ces œuvres de justice, autrefois si pénibles : tel est le sens de cette parole : « Vous avez mis mes pieds dans un lieu spacieux ».
16. « Ayez pitié de moi, mon Dieu, parce que je suis dans l’affliction ; votre colère jetée le trouble dans mes yeux, dans mon âme et dans mes entrailles ; ma vie a défailli dans la souffrance, et mes années dans les gémissements »[7]. Que cela suffise à votre charité, mes frères ; une autre fois, avec le secours de Dieu, nous achèverons le reste de notre dette, afin de terminer le psaume avant notre départ. ==DEUXIÈME

  1. 2 Cor. 5,1-4
  2. Rom. 7,23
  3. Id. 10,3
  4. Ps. 30,9
  5. Id.
  6. Mt. 7,14
  7. Ps. 30,10-11