Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/284

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tu veux marcher dans la voie du Seigneur, il faut manifester ton espérance même devant les hommes, c’est-à-dire ne rougir jamais de cette espérance. De même que Dieu vit dans ton cœur, qu’il soit aussi dans ta bouche : car ce n’est point en vain que le Christ a voulu que son signe fût marqué sur notre front, qui est le siège de la pudeur ; c’est afin que le chrétien ne rougisse point des opprobres du Christ. Si donc tu en agis de la sorte en présence des hommes, si devant eux tu ne rougis point du Christ, si devant les fils des hommes tu ne renies le Christ uni par tes œuvres ni par tes paroles, espère que Dieu te fera sentir sa douceur.
8. Quel est le verset suivant ? « Vous les cacherez dans le secret de votre face »[1]. Quel est ce lieu ? Le Prophète ne dit point : Vous les cacherez dans votre ciel ; ni : Vous les cacherez dans votre paradis ; ni : Vous les cacherez dans le sein d’Abraham. Car les saintes Écritures donnent beaucoup de noms à ces lieux que doivent habiter les saints dans la vie future. N’attachons aucun prix à tout ce qui n’est pas Dieu. Qu’il soit lui-même notre habitation, ce Dieu qui veille sur nous, pendant notre habitation en cette vie : c’est en effet le langage que tenait plus haut le psalmiste : « Soyez pour moi un Dieu protecteur et un lieu de refuge »[2]. Donc nous serons cachés dans la face de Dieu. Mais attendriez-vous que je vous expliquasse la retraite qui est dans la face de Dieu ? Purifiez vos cœurs, afin que celui que vous invoquez puisse y entrer et les éclairer. Sois pour lui une demeure ici-bas, et il sera ta demeure éternelle ; qu’il habite en toi, et tu habiteras en lui. Si tu le caches en cette vie en ton cœur, il te cachera dans sa face en l’autre vie. « Vous les cacherez », dit le Prophète, mais où ? « dans le secret de votre face contre le « trouble des hommes ». Il n’y a plus de trouble pour ceux que dérobe cet asile mystérieux ; plus de trouble dans le secret de votre face. Mais dès ici-bas, l’homme qui se voit en butte aux outrages des autres, parce qu’il sert Jésus-Christ, dont le cœur se réfugie en Dieu, mettant ainsi son espoir dans sa douceur, est-il assez heureux, selon vous, pour trouver dans la face du Seigneur un asile contre le trouble des hommes qui l’outragent, et un asile dont il ressente le bonheur ? Il entre en effet dans la face de Dieu, s’il est en état d’y entrer, c’est-à-dire si sa conscience n’est point chargée, si elle n’est point pour lui un fardeau en disproportion avec la porte étroite. « Vous les cacherez donc dans le secret de votre face, contre le trouble des hommes ; vous les protégerez dans votre demeure contre les langues discordantes »[3]. Un jour donc, vous les cacherez dans le secret de votre face contre le trouble des hommes ; afin que nul trouble humain ne puisse désormais les atteindre. Mais jusque-là, pendant que leur pèlerinage en cette vie expose vos serviteurs à des contradictions nombreuses, que ferez-vous pour eux ? « Vous les protégerez dans votre tente ». Quelle est cette tente ? C’est l’Église d’ici-bas, ainsi appelée parce qu’elle est voyageuse sur cette terre. Caria tente est l’abri des soldats en campagne. Telle est la tente à proprement parler, mais la maison n’est pas une tente. C’est à toi de combattre alors que tu n’es qu’un voyageur en campagne, afin qu’après avoir été sous l’abri de la tente, tu aies dans la maison une réception glorieuse. Car le ciel sera éternellement ton palais, si tu vis saintement sous la tente, C’est donc sous votre tente, ô Dieu, que vous leur offrez un abri contre les langues de contradiction. On ne voit que des langues contradictoires, que des hérésies, que des schismes qui dogmatisent, une foule de langues qui contredisent la vraie doctrine : pour toi, va chercher un abri sous la tente du Seigneur, adhère à l’Église catholique sans t’écarter des règles de la vérité, et tu trouveras dans ce tabernacle un abri contre les contradictions des langues.
9. « Béni soit le Seigneur, parce qu’il a signalé sa miséricorde dans la ville qui m’environne »[4]. Quelle est cette ville qui m’environne ? Le peuple de Dieu n’habitait que la Judée, qui paraît être au milieu du monde ; où l’on célébrait les louanges du Seigneur, où on lui offrait des sacrifices : où la prophétie publiait incessamment pour l’avenir les merveilles que nous voyons s’accomplir : ce peuple paraissait donc au milieu des nations. C’est là ce qui fixe l’attention du Prophète, et il voit que l’Église de Dieu sera au milieu des nations, que tous les peuples environnaient le peuple juif assis au milieu d’eux ; il appelle ces peuples divers la cité qui l’environne. Il est vrai, Seigneur,

  1. Ps. 30,21
  2. Id. 3
  3. Ps. 30,21
  4. Id. 22