Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/298

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il n’y aurait pas un saint pour vous invoquer. « C’est pour cela que tout homme saint vous invoquera en temps opportun : ou quand vous manifesterez votre alliance nouvelle ; car la manifestation de la grâce du Christ, c’est là le temps opportun. « Quand les temps furent accomplis », dit saint Paul, « Dieu envoya son Fils, formé de la femme », c’est-à-dire d’une vierge que les anciens désignaient aussi sous le nom générique de femme, mulier, « assujettie à la loi, afin de racheter ceux qui étaient sous la loi ». De quelles mains les racheter ? des mains du diable, de la perdition, du péché, des mains de celui auquel ils s’étaient vendus. « Afin de racheter ceux qui étaient sous la loi »[1]. Ils étaient sous la loi, en ce sens que la loi les accablait. Et les accabler, c’était les convaincre de péché sans les sauver. Sans doute, elle défendait le mal ; mais parce qu’ils n’avaient point la force de se justifier par eux-mêmes, il fallait crier vers Dieu, comme celui qui se sentait captif sous la loi du péché, et qui s’écriait : « Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ? »[2] Tous les hommes étaient donc sous la loi, et non dans la loi qui pesait sur eux et les convainquait de péché. Car c’est la loi qui a montré le péché, elle qui en a enfoncé l’aiguillon, elle qui a meurtri notre cœur, elle qui a averti chacun de nous de se reconnaître coupable et d’implorer du Seigneur notre pardon. « C’est pour cela que tout homme saint doit crier vers vous, au temps favorable ». J’ai expliqué donc ce temps favorable par ce mot de saint Paul : « Quand les temps furent accomplis, Dieu nous envoya son Fils »[3]. L’Apôtre dit encore : « Je vous ai exaucé au temps favorable, je vous ai secouru au jour du salut »[4]. Et comme le Prophète parlait ainsi de tous les chrétiens, l’Apôtre ajoute : « Voici maintenant le temps favorable, voici maintenant les jours du salut[5]. C’est pour cela que tout homme saint doit vous invoquer au temps favorable ».
18. « Et toutefois au cataclysme des grandes eaux, ils ne s’approcheront point de lui »[6]. « De lui », de qui ? de Dieu. Le Prophète, parlant de Dieu, change souvent de personne ; ainsi : « Le salut vient du Seigneur, et votre bénédiction se répand sur votre peuple »[7], c’est-à-dire, c’est de vous, Seigneur, que vient le salut, et votre bénédiction se répand sur votre peuple. Mais comme il avait dit d’abord : « Le salut vient du Seigneur », non point en s’adressant au Seigneur, mais en parlant de lui ; il se retourne du côté de Dieu pour lui dire : « Et votre bénédiction se répand sur votre peuple ». Il en est de même ici : nous entendons d’abord « vers vous, Seigneur », puis « de lui », mais ne croyons pas qu’il parle d’un autre que de Dieu : « C’est pour cela que tout homme saint vous invoquera au temps favorable : et toutefois au cataclysme des grandes eaux, ils ne s’approcheront point de lui »[8]. Qu’est-ce à dire, « dans le cataclysme des grandes eaux ? » c’est-à-dire, ceux qui nagent dans les flots sans digue des grandes eaux, n’approchent point du Seigneur. Qu’est-ce que le Prophète entend par ces grandes eaux ? c’est la nombreuse variété des doctrines. La doctrine de Dieu est unique, les eaux n’en sont point-nombreuses, il n’y en a qu’une, soit l’eau du sacrement de baptême, soit l’eau de la doctrine du salut. C’est de la doctrine que le Saint-Esprit répand sur – nous, qu’il est dit : « Bois l’eau de tes vases et des sources de tes puits »[9]. Or, ce ne sont point les impies qui approchent de ces sources ; mais ceux qui croient en celui qui justifie l’impie[10], et qui sont déjà justifiés, ceux-là s’en approchent. Les autres eaux si nombreuses, les autres doctrines multipliées n’aboutissent qu’à la corruption des âmes, ainsi que je le disais tout à l’heure, Une doctrine vous fait dire : C’est le destin qui m’a poussé ; une autre : C’est le hasard, c’est la fortune qui m’a fait cela. Si le hasard gouverne les hommes, il n’y a plus de Providence pour gouverner le monde ; voilà encore une de ces doctrines, une autre vient me dire : Il y a une race d’esprits de ténèbres contraires à Dieu, qui s’est révoltée contre lui, et qui fait pécher les hommes. Alors, dans ce débordement des grandes eaux, ils ne s’approcheront point de Dieu. Quelle est donc cette eau, cette eau vraie qui coule des plus profondes sources de la vérité la plus pure ? Quelle est cette eau, mes frères, sinon l’eau qui nous apprend à bénir le Seigneur ? Quelle est cette eau, sinon l’eau qui nous apprend à dire : « Il est bon de bénir Dieu ? »[11] Quelle est cette eau enfin,

  1. Gal. 4,4-5
  2. Rom. 7,23-24
  3. Gal. 4,4
  4. 2 Cor. 6,2
  5. Id.
  6. Ps. 31,6
  7. Ps. 3,9
  8. Ps. 31,7
  9. Prov. 5,15
  10. Rom. 4,5
  11. Ps. 91,2