Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/300

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accablé, vous êtes dans l’angoisse. Donc si nous attendons par la patience, nous disons encore : Rachetez-moi de l’affliction qui m’environne ; mais comme l’espérance nous sauvera, nous disons l’un et l’autre « Délivrez-moi, ô vous qui êtes ma joie ».
21. Voici la réponse : « Je te donnerai l’intelligence ». Le psaume lui-même est un psaume d’intelligence. « Je te donnerai l’intelligence et t’affermirai dans la voie où tu auras marché »[1]. Qu’est-ce à dire : « Je t’affermirai dans la voie où tu auras marché ? »[2] Non plus afin que tu y demeures, mais afin que tu ne t’en écartes pas. Je te donnerai l’intelligence, afin que tu te comprennes toujours, que tu tressailles toujours dans l’espérance en Dieu : jusqu’à ce qu’enfin tu arrives dans la patrie, où il n’y a plus d’espérance, mais où tout sera réalité.« J’affermirai mon regard sur vous ». Je ne détournerai point de vous les yeux, parce que jamais vous ne les détournerez de moi. Bien que tu sois justifié et après la rémission de tes fautes, lève les yeux vers ton Dieu. Sur la terre, ton cœur s’en allait en pourriture. Ce n’est pas sans raison que l’on te crie : Élevé ton cœur en haut, de peur qu’il ne se corrompe. Toi donc aussi lève les yeux en haut ; tiens-les fixés sur le Seigneur, afin qu’il arrête ses regards sur toi. Mais pourquoi redouter qu’en élevant tes yeux en haut, tu ne voies pas devant toi, et que ton pied ne tombe dans quelque piège ? Sois sans crainte, là aussi sont arrêtés ces regards de Dieu qu’il tenait fixés sur toi. « Soyez », nous dit le Seigneur, « soyez sans sollicitudes ». L’apôtre saint Pierre a dit : « Rejetez dans le sein de Dieu toute votre sollicitude, parce que lui-même prend soin de vous »[3]. Donc « mes yeux seront fixés sur toi ». Quant à toi, fixe à ton tour tes regards sur le Seigneur, et tu ne craindras pas, ai-je dit, de tomber dans le piège. Écoute ce mot du psalmiste : « Mes yeux seront toujours fixés en Dieu ». Et comme si on lui disait : Que deviendront tes pieds, si tu ne regardes point à ta marche ? il répond : « Ce sera lui qui dégagera mes pieds des embûches[4]. » J’affermirai donc sur toi « mes regards ».
22. Ainsi Dieu a promis le secours et l’intelligence au prophète qui se tourne alors vers les orgueilleux qui défendent leurs péchés : « Gardez-vous », leur dit-il, « de ressembler au cheval et au mulet, qui n’ont point d’intelligence »[5]. Le cheval et le mulet marchent la tête levée ; ils ne ressemblent point à ce bœuf qui connaît son maître, et à l’âne qui connaît l’étable de celui qu’il sert[6]. « Gardez-vous de ressembler au cheval et au mulet, qui n’ont point d’intelligence ». Qu’arrive-t-il pour eux ? « C’est par la bride et par le mors que vous assujettirez les mâchoires de ceux qui ne s’approchent point de vous »[7]. Veux-tu être cheval ou mulet ? Veux-tu ne souffrir aucun cavalier ? Ta bouche et tes mâchoires seront assujetties par la bride et le mors : on assujettira cette bouche qui relève tes mérites et garde le secret de tes fautes. « Maîtrisez donc les mâchoires de ceux qui ne s’approchent point de vous » par humilité.
23. « Ils sont nombreux, les châtiments des pécheurs »[8]. Il n’est pas étonnant que le fouet vienne après le mors. Il voulait être un animal indomptable, et on l’assouplit avec le mors et le fouet : et plaise à Dieu qu’on l’assouplisse ! Car il est à craindre que par son opiniâtreté ; il ne mérite de rester indompté, et de s’en aller sauvage et vagabond, où le portera sa fougue, en sorte que l’on dise de lui comme de ceux dont les péchés demeurent impunis ici-bas, que « leur iniquité vient de leur abondance »[9]. Que le fouet donc serve à le corriger et à le dompter, comme l’interlocuteur avoue qu’il a été lui-même dompté. Il se comparaît au cheval et au mulet à cause de son silence : mais qu’est-ce qui l’a dompté ? le fouet du châtiment. « Je me suis converti », dit-il, « dans ma douleur et déchiré par l’aiguillon ». Soit donc parle fouet, soit par l’aiguillon, Dieu assouplit le cheval qu’il monte, et c’est l’avantage du cheval d’avoir un tel cavalier. Et si le Seigneur monte à cheval, ce n’est point qu’il soit fatigué de marcher à pied. Car ce n’est pas sans quelque mystère que l’on amena autrefois linon au Sauveur[10]. Le peuple qui porte Jésus-Christ avec la bonne volonté de la douceur et de la paix, est figuré par cet ânon, et il se dirige vers Jérusalem. « Car Dieu dirige les hommes doux dans l’équité », comme le dit un-autre psaume, « il enseignera ses voies aux hommes pacifiques »[11]. Quels sont ces

  1. Ps. 31,8
  2. Mat. 6,31
  3. 1 Pi. 5,7
  4. Ps. 24,15
  5. Ps. 31,9
  6. Isa. 1,3
  7. Ps. 31,9
  8. Id. 10
  9. Id. 71,7
  10. Mt. 21,7
  11. Ps. 24,9