Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/316

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maintenant occulte, que vous dirai-je, sinon ces paroles du Prophète : « Il frémira, et il séchera de dépit ? ». Allez donc à l’église, et marchez : la voie est facile, elle est ouverte, battue par notre chef illustre qui veille à sa sûreté. Courons dans le chemin des bonnes œuvres, car c’est là qu’il nous faut marcher. Et si parfois il nous arrive des persécutions d’où nous étions loin de les attendre, dès lors que les eaux sont renfermées comme dans une outre, comprenons que Dieu n’en agit ainsi que pour notre bien spirituel, pour nous éloigner d’une confiance téméraire dans les choses du temps, et pour régler nos désirs de manière à nous conduire dans son royaume. Tel est le désir qui éclate çà et là quand nous sommes sous le coup de la persécution, et alors nous rendons un son agréable à Dieu, comme ces trompettes en fer qu’a battues le marteau. Car le psalmiste nous invite à louer le Seigneur avec des trompettes martelées[1]. Ces trompettes s’étendent sous le marteau, comme le cœur du chrétien s’étend vers Dieu sous les coups de la persécution.
11. Et maintenant que l’eau de la mer est rassemblée comme dans une outre, n’oublions pas, mes frères, que Dieu ne manque pas de moyens de nous châtier quand il est nécessaire. Aussi le Prophète a-t-il ajouté : « Il y a des abîmes dans ses trésors ». Il appelle trésors les secrets de Dieu. Or, Dieu connaît les cœurs des hommes, ce qu’il doit faire en temps opportun, les moyens qu’il doit employer, le pouvoir qu’il doit donner aux méchants contre les bons, afin de condamner les méchants et de corriger les justes. Voilà ce que connaît celui qui met des abîmes dans ses trésors. Suivons donc le conseil suivant : « Que toute la terre craigne le Seigneur »[2]. Qu’elle ne s’élève point d’une joie téméraire et orgueilleuse, en disant : Voilà que les eaux de la mer sont rassemblées comme dans une outre ; qui s’élèvera contre moi ? qui osera me nuire ? Imprudent ! ne sais-tu pas que ton père a mis des abîmes dans ses trésors ? Ignores-tu qu’il sait qu’il a de quoi te châtier quand il lui plaît ? Il a dans sa main les trésors de l’abîme, afin de t’instruire et de te diriger vers les trésors du ciel. Retourne donc à la crainte, ô toi qui déjà te croyais en sûreté ! Que la terre tressaille donc, mais aussi qu’elle craigne. Qu’elle tressaille, et pourquoi ? Parce que la terre est pleine de la miséricorde du Seigneur. Qu’elle craigne, et pourquoi ? Parce qu’il a renfermé comme dans une outre les eaux de la mer, de manière néanmoins à mettre des abîmes dans ses trésors. Mais il lui arrive ce qui est dit en deux mots dans un autre psaume : « Servez le Seigneur avec crainte, tressaillez en lui avec tremblement »[3].
12. « Que la terre craigne le Seigneur ; qu’ils tremblent devant lui, tous ceux qui habitent l’univers ». Qu’ils n’en craignent point un autre, au lieu de le craindre : « Que ce soit devant lui que tremblent tous ceux qui habitent la terre ». Une bête féroce te menace ? Crains le Seigneur. Un serpent se glisse ? Crains le Seigneur. Un homme te hait ? Crains le Seigneur. Le démon te livre un assaut ? Crains encore le Seigneur. Car celui que tu dois craindre est le maître de toute créature. « C’est lui qui a dit, et tout a été fait ; il a commandé, et tout a été créé »[4]. C’est là ce que nous dit ensuite le psalmiste. Après avoir dit : « Qu’ils tremblent devant lui, tous ceux qui habitent la terre », afin d’ôter à l’homme toute autre crainte que celle de Dieu, de peur que l’homme, ne craignant plus Dieu, n’en vînt à craindre les créatures, et ne nué-prisât l’ouvrier pour adorer l’œuvre ; le Prophète nous affermit dans la crainte de Dieu seul, et s’adressant à nous : Que pouvez-vous craindre, dit-il, dans le ciel, ou dans la terre, ou dans la mer ? « Dieu a parlé, et tout a été fait ; il a ordonné, et tout a été créé ». Or, celui dont la parole a tout fait, dont la volonté a tout créé, ordonne, et tout se met en mouvement ; il ordonne encore, et tout demeure en repos. Un homme, dans sa malice, peut bien avoir un désir de nuire qui lui soit propre ; mais il n’en a le pouvoir que si Dieu le lui donne. « Car il n’y a point de puissance qui ne soit de Dieu »[5]. C’est une maxime décisive de l’Apôtre. Il n’a point dit qu’il n’y a point de désir qui ne soit de Dieu, car il y a certains désirs mauvais qui ne viennent point de Dieu ; mais cette volonté perverse ne peut nuire à personne sans la permission du Seigneur, puisqu’il n’y a de puissance que celle qui vient de Dieu. De là vient que l’Homme-Dieu, au tribunal d’un homme, lui disait : « Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi, s’il ne t’était donné d’en haut »[6]. Cet homme jugeait,

  1. Ps. 97,6
  2. Id. 32,8
  3. Ps. 2,11
  4. Ps. 32,9
  5. Rom. 13,1
  6. Jn. 19,11