Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/320

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de telle propriété vaste et agréable, on nous répond : C’est un certain sénateur, c’est un tel, qui a tel nom, qui possède ces domaines ; ce qui nions fait dire : Bienheureux cet homme-là ! De même si mous demandons : De qui le Seigneur est-il Dieu ? li est un peuple assez heureux pour l’avoir, nous dira-t-on, car le Seigneur est leur Dieu. Mais il n’en est pas du Dieu de cette nation comme du sénateur qui possède ce domaine, et qui n’est pas à son tour la possession du domaine. Il faut donc nous efforcer d’être son domaine ; car il y a une possession réciproque. Vous avez, entendu comment cette nation possède son Dieu : « Bienheureux le peuple dont le Seigneur est Dieu ». Écoutez maintenant, comment il possède la nation : « Heureux le peuple que le Seigneur a choisi pour son héritage ! » Heureuse la nation à cause de l’héritage qu’elle possède ! Heureux l’héritage à cause du maître dont il est la possession ! « Heureux le peuple que le Seigneur s’est choisi pour héritage ! »
19. « Dieu a regardé du haut du ciel, il a vu tous les enfants des hommes »[1]. Par cette expression tous, il faut entendre tous ceux de cette nation qui appartiennent à l’héritage, ou même qui forment cet héritage. Car ils sont tous l’héritage du Seigneur, et il les a tous regardés du haut des cieux ; il les a vus, celui qui adit : « Je t’ai vu quand tu étais sous le figuier »[2]. Je t’ai vu et t’ai pris en pitié. C’est ainsi qu’en implorant la pitié d’un homme, nous lui disons : Voyez-moi. Et que dites-vous de l’homme qui vous méprise ? Il ne me regarde pas. Il y a donc un regard de compassion, et non un regard de punition. Ce dernier regard sur nos péchés serait un châtiment : et il ne veut point que ses péchés soient vus, celui qui s’écrie : « Détournez les yeux de mes péchés »[3]. Il veut qu’on les lui pardonne, et non qu’on les connaisse. « Détournez », dit-il, u détournez vos yeux de mes péchés ». Mais s’il détourne ses regards de vos péchés, il ne vous verra plus ? Pourquoi alors est-il dit ailleurs : « Ne détournez point de moi votre face[4] ? » Que le Seigneur donc détourne les yeux de tes péchés, et nom de toi-même ; qu’il te voie, qu’il te prenne en pitié, qu’il vienne à ton aide. « Le Seigneur a regardé du haut des cieux, il a vu les enfants des hommes » qui appartiennent au Fils de l’homme.
20. « Il les a regardés de sa tente »[5], qu’il s’était préparée. Il nous a vus par ses Apôtres, par ses prédicateurs de la vérité, par les messagers qu’il nous a envoyés. Tout cela forme sa maison, tout cela c’est sa tente, tout cela c’est le ciel qui raconte la gloire de Dieu[6]. « Il a vu tous les enfants des hommes du haut de la tente qu’il s’est préparée ; il a regardé tous ceux qui habitent la terre »[7]. Ce sont ceux-là qu’il, a regardés, ceux qui sont à lui, cette nation bienheureuse, celle dont le Seigneur est Dieu ; c’est ce peuple que le Seigneur s’est choisi pour son héritage, parce qu’il est répandu par toute la terre, et non point sur une partie. « Il a jeté les yeux sur tous ceux qui habitent la terre ».
21. « C’est lui qui a formé le cœur de chacun d’eux ». Par la main de sa grâce, par la main de sa miséricorde, il a formé nos cœurs, il les a formés séparément, nous donnant à chacun le cœur qui nous est propre, sans déroger à l’unité. De même que nos membres sont formés à part, qu’ils ont chacun leur fonction séparée, et qu’ils vivent néanmoins en harmonie ; que la main a d’autres fonctions que les yeux, que l’oreille peut faire ce que ne tout ni les yeux ni la main, et que tous ces membres néanmoins agissent dans l’unité, que la main, les yeux et l’oreille, malgré la diversité de leurs fonctions, ne sont point en opposition ; de même dans le corps de Jésus-Christ, tous les hommes sont comme des membres qui s’applaudissent de leur aptitude particulière, parce que celui qui s’est choisi le peuple en héritage, a formé leurs cœurs en particulier. « Tous sont-ils apôtres ? tous sont-ils prophètes ? tous sont-ils docteurs ? tous ont-ils le don de guérir les maladies ? tous parlent-ils diverses langues ? Tous ont-ils le don d’interpréter ? L’un reçoit du Saint. Esprit le don de parler avec sagesse ; l’autre reçoit du même Esprit le don de parler avec science, un autre reçoit le don de la foi par le même Esprit ; un autre reçoit du même Esprit, le don de guérir les malades »[8]. Pourquoi ? Parce qu’il a formé à part le cœur de chacun. De même que, dans nos membres, il y a des fonctions diverses, et une même santé, de même parmi les membres du Christ, les dons sont divers, mais tout se résume en la charité qui est une. « Il a formé à part le cœur de chacun ».

  1. Ps. 32,13
  2. Jn. 1,48
  3. Ps. 50,11
  4. Id. 25,9
  5. Ps. 32,14
  6. Id. 18,2
  7. Id. 31,15
  8. 1 Cor. 12,8-9.29-30