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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/341

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par les anges dans le sein d’Abraham. Que ne pouvait dire quiconque avait vu son corps étendu à la porte du riche, sans que personne se mît en peine de l’ensevelir ? Ainsi puisse mourir mon ennemi, celui qui m’a persécuté, puisse-je le voir en cet état ! On crache sur ce cadavre, la puanteur s’exhale des plaies, mais l’âne repose au sein d’Abraham. Croyons cela, si nous sommes chrétiens ; mais si nous ne le croyons, mes frères, ne nous imaginons pas que nous sommes chrétiens. C’est la foi qui nous conduit. Comme le dit le Seigneur, ainsi en est-il. La vérité serait-elle dans les paroles d’un astrologue, et la fausseté dans celles de Jésus-Christ ? Mais quelle fut la mort du riche ? Comment put-il mourir dans la pourpre et dans le fin lin ? Avec quelle pompe et quelle magnificence ? Quelles n’étaient pas ses funérailles ? Dans quels parfums n’ensevelit-on pas son cadavre ? Et pourtant quand il était dans les tourments de l’enter, il désirait ardemment qu’une goutte d’eau tombât, du doigt de ce pauvre jadis méprisé, sur sa lingue desséchée, et il ne l’obtint pas. Apprenez donc ce que signifie : « La mort des pécheurs est très funeste », et ne jetez pas les yeux sur ses lits aux tentures somptueuses, sûr ce cadavre environné de riches broderies, sur uns pompeuses lamentations, sur cette famille en deuil, sur cette foule qui précède et qui suit le corps que l’on porte en terre, sur des cénotaphes d’or et de marbre. Si vous interrogez tout cela, vous n’aurez qu’une réponse mensongère, tout cela vous dira qu’il est beau de mourir, non seulement pour des hommes légèrement pécheurs, mais pour de grands criminels, quand on a mérité cette pompe des larmes, cette pompe des parfums, cette pompe de parure, cette pompe de cortège, cette pompe de sépulture. Mais interrogez l’Évangile, et aux yeux de votre foi, il découvrira l’âme du riche qui brûle dans les flammes, et que ne peuvent nullement soulager tous ces honneurs, tout ce cortège, dont la vanité des vivants environnait son cadavre.
26. Mais parce qu’il y a différentes sortes de pécheurs, et qu’il est difficile, peut-être même impossible en cette vie de n’être point pécheur, le Prophète nous dit aussitôt de quels pécheurs la mort est si funeste : « Et ceux qui haïssent le juste, périront[1] », nous dit-il. Quel est ce juste, sinon celui qui juge l’impie[2] ? Quel est ce juste, sinon Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui est aussi l’hostie de propitiation pour nos péchés[3] ? Ceux donc qui le haïssent ont une mort très funeste, puisqu’ils meurent dans leurs péchés et qu’ils ne sont point par lui réconciliés à notre Dieu. « Le Seigneur, en effet, rachètera les âmes de ses serviteurs »[4]. C’est au point de vue de l’âme que l’on doit envisager la mort comme très – funeste, ou comme très désirable ; et non au point de vue des affronts que l’on peut faire à nos corps, ou des honneurs qu’on peut leur rendre aux yeux des hommes. « Et ceux qui « espèrent en lui ne seront point délaissés »[5]. Telle est, en effet, la règle de la justice humaine. Quels que soient nos efforts, il est impossible que la vie humaine soit sans péché, du moins ne péchons point sous le rapport de l’espérance en celui qui nous remet nos péchés. Ainsi soit-il. Ces trente-trois premiers Psaumes ont été traduits par M. l’abbé MORISOT.

  1. Ps. 33,22
  2. Rom. 15,5
  3. Jn. 2,2
  4. Ps. 33,23
  5. Id.