Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/360

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la crainte des hommes. Il n’oserait afficher publiquement l’iniquité, de peur d’être blâmé ou condamné par les hommes. Il fuit la présence des hommes ; où est son refuge ? En lui-même ; il rentre dans son intérieur où nul ne le voit ; c’est là que, sans être aperçu, il s’étudie aux pièges, aux embûches et aux crimes. Cependant il ne pourrait s’étudier au mal, même dans son intérieur, s’il pensait que Dieu le voit ; mais comme il n’a point devant les yeux la crainte de Dieu et qu’il se dérobe au regard des hommes en rentrant dans son cœur, qu’a-t-il à craindre ? Dieu n’y est-il pas présent ? Oui, mais « la crainte de Dieu n’est pas devant ses yeux ».
3. Donc il inédite la fraude ; et voici la suite (car il ne sait peut-être pas que Dieu le voit, pourriez-vous me dire ; et le Prophète nous montre ce que j’avais commencé à vous exposer, qu’il veut bien ne pas le savoir et que cette volonté d’ignorer tourne contre lui-même) : « Il a frauduleusement agi en sa présence »[1]. En présence de qui ? de celui qu’il ne craint point dans ses fourberies. « En cherchant son iniquité pour la haïr ». Il a donc agi de manière à ne la point trouver. Il y a des hommes, en effet, qui paraissent faire des efforts pour connaître leur iniquité, et qui craignent de la trouver ; car, s’ils la trouvaient, une voix leur dirait Rompez avec elle. Vous avez fait cela avant de connaître le mal ; cette faute est celle de votre ignorance, Dieu vous la pardonne ; et, maintenant que vous la connaissez, rompez avec elle, afin que votre ignorance obtienne plus facilement son pardon, et que sans rougir vous puissiez dire à Dieu : « Ne vous souvenez plus, Seigneur, des péchés de ma jeunesse et de mon ignorance »[2]. D’une part donc il cherche son injustice, et d’autre part il craint de la trouver ; car il cherche avec feinte. Je ne savais pas qu’il y eût péché ; quand est-ce que l’homme parle ainsi ? C’est quand il reconnaît qu’il a péché et qu’il cesse de faire ce qu’il faisait précisément parce qu’il ignorait que ce fût un mal ; il voulait réellement connaître sa faute, afin de la trouver et de la haïr. Mais aujourd’hui beaucoup cherchent leur iniquité avec feinte, c’est-à-dire qu’ils ne la cherchent point avec l’intention de la trouver et de la haïr. Mais comme la recherche qu’ils en font est hypocrite, ils ne trouvent cette iniquité que pour la défendre. Pour celui qui découvre l’iniquité, il est évident que cette iniquité est un mal. Ne le faites plus, lui direz-vous. Et lui, qui n’agissait que frauduleusement pour trouver son iniquité, la trouve enfin, mais ne la hait pas. Que dit-il, en effet ? Combien d’autres en agissent ainsi, et qui n’en est pas là ? Dieu voudrait-il nous damner tous ? Ou, du moins, voici son langage : Si Dieu ne voulait pas qu’on agît de la sorte, les hommes qui en sont là vivraient-ils encore ? Vois-tu bien que tu ne cherches ton iniquité qu’avec hypocrisie ? Si tu n’eusses point agi en homme hypocrite, mais en homme sincère, tu l’aurai déjà trouvée et prise en haine ; maintenant que tu la trouves, tu la soutiens ; tu la cherchais donc en hypocrite.
4. « L’injustice et la ruse, telles sont ta « paroles de sa bouche ; il n’a point voulu comprendre, afin de ne point faire le bien. »[3] Vous voyez que ces torts sont attribués à sa volonté ; il est en effet des hommes qui ne veulent pas comprendre et ne le peuvent ; il est aussi des hommes qui ne comprennent point parce qu’ils ne veulent point comprendre. « Il n’a point voulu comprendre, de peur de faire le bien ».
5. « Il a médité l’iniquité sur sa couche »[4]. Qu’est-ce à dire : « Sur sa couche ? Le méchant a résolu en lui-même de faire le mal ». L’expression « en lui-même » a le même sens que : « sur sa couche ». Notre lit, en effet, c’est notre cœur ; c’est là que nous ressentons l’aiguillon d’une conscience coupable, comme le calme d’une bonne conscience. Quiconque aime de jouir dans son cœur, doit d’abord y faire le bien. C’est dans ce lit que Notre-Seigneur Jésus-Christ nous ordonne de prier. « Entrez », nous dit-il, « dans votre lit secret et fermez-en la porte ». Qu’est-ce à dire : « Fermez-en la porte ? » N’attendez point de Dieu les biens extérieurs, mais les biens de l’âme. « Et votre Père qui voit dans le secret vous le rendra »[5]. Quel est celui qui se ferme point sa porte ? Celui qui croit beaucoup demander à Dieu en lui demandant les biens de la terre, et qui borne là toutes mes demandes. Alors, votre porte est béante, et chacun voit quand vous priez. Qu’est-ce qui clore votre porte ? C’est demander à Dieu ce que Dieu seul sait vous donner. Et que demanderas-tu en fermant ta porte ? « Ce que d’

  1. Ps. 35,3
  2. Id. 24,7
  3. Ps. 35,4
  4. Id. 5
  5. Mt. 6,6