Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/379

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donc sujet de chanter : « Le peu que possède de juste est préférable aux grandes richesses des impies »[1].
4. Mais les méchants ont de la puissance ; ils entreprennent beaucoup, ils ont de grands moyens de réussir. Leur commandement est promptement obéi. En sera-t-il toujours ainsi ? « Les bras des impies seront brisés »[2]. Leurs bras désignent leur puissance. Que fera ce méchant dans l’enfer ? Fera-t-il comme ce riche qui faisait grande chère ici-bas, et qui ébat tourmenté dans l’abîme ?[3] « Leurs bras seront donc brisés, mais le Seigneur soutient les justes ». Comment les soutenir ? Que leur dit-il ? Ce qui est dit dans un autre paume : « Attends le Seigneur, agis avec courage, que ton cœur se fortifie, et attends de Seigneur »[4]. Que signifie : « Attends le Seigneur ? » Tu souffres pour un moment, tu ne souffriras pas toujours : ta douleur sera courte, mais ta félicité sera éternelle ; tu gémis pour un temps, tu te réjouiras sans fin. Mais tu vas défaillir au milieu de tes douleurs ? Voilà sous tes yeux l’image des souffrances du Christ. Considère ce qu’a souffert pour toi celui qui ne méritait nullement de souffrir. Quelles que soient tes souffrances, elles n’iront pas jusqu’à ces opprobres, ces fouets, cette robe dérisoire, cette couronne d’épines, et enfin cette croix qui, dans le genre humain, a disparu du nombre des supplices. Autrefois on y attachait les grands scélérats, nul n’y est cloué aujourd’hui. Elle est en honneur ; elle cesse d’être en usage, puisqu’elle n’est plus un supplice, mais sa gloire subsiste. Du lieu des supplices elle a passé sur le front des empereurs. Que réserve à ces serviteurs celui qui a élevé si haut les instruments de son supplice ? C’est donc par de tels actes, c’est par de telles paroles, c’est par ces exhortations, c’est enfin par cet exemple, que « le Seigneur affermit les justes ». Que les méchants sévissent à leur gré, et autant que Dieu le leur permettra : « Le Seigneur affermit les justes ». Quoi qu’il arrive au juste, qu’il l’attribue à la volonté de Dieu, et non au pouvoir de ses ennemis. Ton ennemi peut avoir de la fureur, mais il ne peut frapper si Dieu ne le veut point. Et si Dieu veut que son serviteur soit frappé, il sait comment il le consolera. « Car le Seigneur corrige celui qu’il aime, il frappe de verges celui qu’il reçoit au nombre de ses enfants »[5]. Pourquoi donc l’impie s’applaudirait-il de ce que mon Père s’est servi de lui comme d’un fléau ? Il se sert de lui comme d’un instrument ; il me corrige pour m’adopter. Ne considérons donc point ce qu’il permet aux impies, mais le bien qu’il fait aux justes.
5. Mais pour ceux qui sont entre les mains de Dieu le fouet dont il nous châtie, nous devons souhaiter qu’un châtiment les convertisse. Telle est en effet la leçon qu’il donnait autrefois aux fidèles, quand il se servait de Saul pour les châtier, et qu’ensuite il convertissait Saut. Et quand le saint homme Ananie, qui baptisa Saul, reçut du Seigneur l’ordre d’accueillir ce même Saul qui était un vase d’élection, il répondit tout tremblant d’effroi au seul nom du persécuteur Saul ; il répondit : « Seigneur, j’ai ouï parler de cet homme, j’ai appris combien de persécutions il a fait essuyer à vos saints qui sont à Jérusalem, et maintenant il a reçu des lettres du grand-prêtre pour aller partout où il trouvera ceux qui invoquent votre nom, et les amener à Jérusalem chargés de chaînes ». Mais le Seigneur lui répondit : « Va, car je lui montrerai combien il doit souffrir pour mon nom »[6]. Je veux, dit le Seigneur, le châtier, me venger de lui ; il souffrira pour mon nom, puisqu’il a persécuté mon nom. Je me sers et je me suis servi de lui pour châtier les autres, je me servirai des autres pour le châtier. Voilà ce qui est arrivé, et nous savons les maux qu’a endurés Saul, maux plus nombreux que ceux qu’il avait faits ; il fut un avare créancier, recevant avec usure ce qu’il avait prêté.
6. Mais voyez encore si le Seigneur accomplit en lui cette parole du psaume : « Le Seigneur affermit les justes ». Non seulement, « (ainsi dit saint Paul au milieu de tourments sans nombre), mais nous nous glorifions encore dans nos afflictions, sachant que l’affliction produit la patience, la patience la pureté, la pureté l’espérance, et cette espérance n’est point vaine, car l’amour de Dieu est répandu dans nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné »[7]. Il s’agit bien évidemment ici d’un homme juste et déjà affermi ; et comme ses ennemis ne pouvaient lui nuire après qu’il fut fortifié, de même il ne faisait

  1. Ps. 36,16
  2. Id. 17
  3. Lc. 16,19-24
  4. Ps. 26,14
  5. Héb. 12,6
  6. Act. 9,13-16
  7. Rom. 5,3-5