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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/397

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la suite : « Le pécheur épie le juste, il cherche à lui donner la mort[1] ». Il tient en effet ce langage consigné au livre de la Sagesse : « Nous sommes fatigués de le voir, car sa vie diffère de la vie des autres[2] » Il cherche donc à le faire mourir. Mais quoi ? Le Seigneur qui le garde, qui habite avec lui, qui ne sort ni de sa bouche ni de son cœur, l’abandonnera-t-il ? Où est donc ce que nous lisions plus haut : « Il n’abandonnera point ses saints[3] ? »
13. Donc « le pécheur épie le juste et cherche à lui donner la mort ; mais le Seigneur ne le lui abandonnera pas entre les mains[4] ». Pourquoi donc a-t-il abandonné les martyrs aux mains des impies ? Pourquoi ceux-ci en ont-ils fait ce qu’ils ont voulu ? Ils ont frappé celui-ci du glaive, cloué cet autre à la croix, livré celui-là aux bêtes, condamné ceux-ci au feu, jeté ces autres dans les cachots, pour les faire mourir plus lentement. Il est certain toutefois que le Seigneur n’abandonnera point ses saints ; « car le Seigneur ne le lui abandonnera pas entre les mains ». Pourquoi donc enfin a-t-il abandonné son Fils aux mains des Juifs ? Ici, ouvre le toit[5], si tu veux être guéri de toute paralysie intérieure ; arrive jusqu’au Seigneur, écoute ce que l’Écriture nous dit ailleurs, car elle prévoyait ce que les impies feraient souffrir su Sauveur ; que dit-elle donc ? « La terre est livrée aux mains de l’impie[6] ». Qu’est-ce à dire que la terre est livrée aux mains de l’impie ? La chair est entre les mains des persécuteurs. Car le Seigneur, dans cette occasion, n’a point abandonné son juste, et de cette chair captive il a tiré une âme indomptée. Le Seigneur abandonnerait le juste au pouvoir des méchants, s’il le laissait consentir à leurs desseins ; et c’est pour éviter ce malheur que dans un autre psaume le Prophète faisait cette prière : « Ne me livrez point, Seigneur, à l’homme du péché, d’accord avec mes désirs[7] ». Il est à craindre que vous ne tombiez de vos désirs dans les mains du pécheur, et que votre amour pour cette vie d’un jour ne vous jette sous sa puissance, et ne vous fasse perdre ainsi la vie éternelle. De quel désir encore ne veut-il point tomber entre les mains du pécheur ? De celui dont un autre prophète a dit : « Je n’ai point désiré le jour de l’homme, vous le savez[8] ». Car celui qui désire vivement le jour de l’homme, et qui n’a point l’espérance de la vie éternelle, ne peut que s’abandonner aux volontés d’un adversaire qui le menace de le tuer, et dès lors de lui faire perdre cette vie ou le jour de l’homme. Mais pour celui qui écoute cette parole du Seigneur : « Ne craignez point ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l’âme[9] », quand ce qui est terre serait livré entre les mains des impies, l’esprit s’en irait, la terre seule serait captive ; et, l’âme demeurant libre, la terre ressusciterait. L’esprit est changé pour aller à Dieu, la terre sera changée pour aller au ciel. Rien ne périt de cette terre livrée pour un temps aux mains des pécheurs : « Les cheveux de votre tête sont comptés[10] ». Soyez donc en sûreté, si Dieu est en votre intérieur. En chasser le diable, c’est y admettre Dieu. « Le Seigneur n’abandonnera pas le juste aux mains du méchant, et ne le condamnera point quand il le jugera ». On lit dans quelques exemplaires : « Et quand Dieu le jugera, le jugement sera pour lui ». « Pour lui », signifie qu’il sera l’objet du jugement. C’est ainsi que nous pouvons dire à quelqu’un : Jugez-moi, pour : entendez ma cause. Lors donc que le Seigneur entendra la cause de son juste : « Car nous devons tous comparaître au tribunal du Christ, afin que chacun reçoive ce qui est dû ses bonnes ou à ses mauvaises actions, pendant qu’il était revêtu de son corps[11] » ; quand donc arrivera le jugement du juste, Dieu ne le condamnera point, bien qu’en cette vie les hommes paraissent le condamner. Et si le proconsul prononça une sentence contre Cyprien, il y a une différence entre le tribunal de la terre et le tribunal du ciel : celui de la terre le condamna, celui du ciel lui décerna la couronne. « Il ne le condamnera point lorsqu’il passera au jugement ».
14. Mais quand cela sera-t-il ? Ne croyez point que ce soit maintenant ; car maintenant c’est le temps de travailler, le temps de semer, le temps d’endurer le froid ; mais semez en dépit des vents et de la pluie, ne soyez point paresseux ; viendra l’été qui vous consolera, et alors vous vous réjouirez d’avoir semé. Que faire donc maintenant ? « Attends le Seigneur ». Et en l’attendant, que faire ? «

  1. Ps. 36,32
  2. Sag. 2,15
  3. Ps. 36,28
  4. Id. 33
  5. Lc. 5,19
  6. Job. 9,24
  7. Ps. 139,9
  8. Jer. 17,16
  9. Mt. 10,28
  10. Id. 30
  11. 2 Cor. 5,10