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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/472

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parce qu’ils étaient un peuple courageux, guerrier, invincible, exercé, belliqueux ? Point du tout. Nos pères ne nous ont point dit cela, l’Écriture n’en dit rien ; mais, que dit-elle ? sinon ce qui suit : « Ce n’est point par le glaive qu’ils ont acquis en héritage la terre promise, et leur bras ne les a point sauvés ; mais c’est votre droite, votre bras et la lumière de votre visage »[1]. Votre droite ou votre puissance ; votre bras ou votre Fils. « Et la lumière de votre face ». Que signifie cette expression ? C’est que vous leur avez donné de tels signes de protection, que l’on reconnaissait votre présence. Quand le Seigneur, en effet, nous signale sa présence par quelque miracle, est-il pour cela visible à nos yeux ? Mais le miracle a pour effet de montrer qu’il est présent. Enfin, que disent tous ceux que de pareils faits remplissent d’étonnement ? J’ai vu Dieu, il était là. « C’est votre droite, votre bras, le reflet de votre face ; parce que vous avez mis en eux vos complaisances ». C’est-à-dire, vous avez agi comme si vous vous plaisiez en eux ; en sorte que tous ceux qui vous voyaient en agir ainsi avec eux, disaient : C’est Dieu qui est avec eux, c’est Dieu qui les conduit.
5. Quoi donc ? Dieu était-il alors autre qu’il n’est maintenant ? Loin de là. Que nous dit ensuite le Psalmiste ? « C’est vous-même qui êtes mon Roi et mon Dieu »[2]. C’est vous-même, vous n’êtes point changé. Les temps sont changés, je le vois ; mais le Créateur des temps ne change point. « C’est vous-même qui êtes mon Roi et mon Dieu ». C’est toujours vous qui me conduisez, toujours vous qui venez à mon secours. « C’est vous qui ordonnez le salut de Jacob ». Qu’est-ce à dire : « Vous ordonnez ? » C’est-à-dire, bien que cette nature qui vous constitue ce que vous êtes en votre substance, demeure cachée à nos regards, et que vous ne soyez pas intervenu en faveur de nos pères, dans votre essence, de manière qu’ils pussent vous voir face à face ; néanmoins, c’est vous qui ordonnez à telle créature qu’il vous plaît de sauver Jacob. Vous voir face à face n’est en effet réservé qu’à ceux qu’aura délivrés la résurrection. Nos pères eux-mêmes du Nouveau Testament, bien qu’ils aient vu vos mystères à découvert, bien qu’ils aient annoncé aux autres ces mystères révélés, ont proclamé qu’ils ne voyaient qu’en énigme et comme dans un miroir ; et que vous voir face à face[3], était une faveur réservée au moment dont l’Apôtre parle ainsi : « Vous êtes morts et votre vie est cachée en Dieu avec le Christ ; or, à l’apparition du Christ qui est votre vie, vous apparaîtrez aussi avec lui dans la gloire »[4]. C’est pour ce moment que Dieu nous réserve de le voir face à face ; ce qui a fait dire à saint Jean : « Mes bien-aimés, nous sommes les fils de Dieu, mais ce que nous serons un jour ne paraît point encore. Nous savons que, quand il viendra dans sa gloire, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu’il est »[5]. Quoique nos pères ne vous aient, donc point vu face-à-face, et tel que vous êtes ; quoique cette vision nous soit différée jusqu’à la résurrection ; quoique ce soient des anges qui nous ont assistés, « c’est vous néanmoins qui ordonnez le salut de Jacob ». Non seulement par vous-même, vous nous assistez ; mais de quelque créature que vous vous serviez pour nous assister, vous ne l’ordonnez pas moins pour le salut de vos serviteurs que vous opérez par vous-même ; et ce qui s’opère pour le salut de vos serviteurs, c’est ce que l’on fait d’après vos ordres. Mais dès lors que vous êtes mon Dieu et mon Roi, et que vous ordonnez le salut de Jacob, pourquoi ces maux que nous endurons ?
6. Mais peut-être ces merveilles que l’on nous a racontées ne sont-elles que pour le passé, et n’avons-nous rien de semblable à espérer pour l’avenir ? Telle est au contraire l’espérance qu’il nous faut avoir. « C’est en vous que nous abattrons la puissance de nos ennemis »[6]. Donc nos pères nous ont raconté les merveilles que vous avez accomplies dans leur temps et dans les jours anciens ; ils nous ont dit que, pour les établir, vous aviez dissipé les nations, chassé les peuples, voilà pour le passé ; mais dans l’avenir, que doit-il arriver ? « En vous nous abattrons la puissance des peuples » : un temps viendra où de tous les ennemis des chrétiens seront vannés comme la paille, dissipés comme la poussière et emportés de dessus la terre. Mais avec un passé glorieux comme on nous le on raconte, avec un avenir tel qu’il nous est annoncé, pourquoi donc aujourd’hui ces maux

  1. Ps. 43,4
  2. Id. 5
  3. 1 Cor. 13,12
  4. Col. 3,3-4
  5. Jn. 3,2
  6. Ps. 43,6