Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/480

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lui : « Chauve, chauve ! » Ils furent dévorés par les bêtes, et figuraient ces hommes qui devaient imiter leur folie enfantine en raillant un certain chauve crucifié au Calvaire[1]. Ceux-là aussi devinrent la proie des bêtes ou des démons, du diable et de ses anges, qui agissent parmi les hommes de l’incrédulité. Telle était la folie de ceux qui, devant le bois sacré de la croix, s’écriaient en branlant la tête : « S’il est Fils de Dieu, qu’il descende de la croix »[2]. Or, nous sommes les enfants de ce chauve, si nous sommes les fils de l’Époux ; c’est pour nous qu’est écrit ce psaume dont le titre porte : « Aux fils de « Coré, pour ceux qui doivent changer »[3].
2. Qu’ai-je besoin d’exposer le sens de ces paroles : « Pour ceux qui doivent changer ? » Que puis-je vous dire ? Quiconque a changé le comprend. À ces paroles : « Pour ceux qui doivent changer », qu’il voie ce qu’il était jadis et ce qu’il est maintenant. Qu’il voie d’abord le changement opéré dans le monde, qui naguère adorait les idoles, et qui maintenant adore le vrai Dieu ; qui naguère servait l’ouvrage de ses mains, et qui sert maintenant Celui dont il est l’ouvrage. « Pour ceux qui doivent changer ». Voyez en quel temps fut dite cette parole. Un reste de païens voit avec stupeur ces grands changements ; et ceux qui ne veulent point changer voient nos églises remplies et leurs temples déserts ; ici de grandes solennités, là une grande solitude. Ils admirent le changement, qu’ils lisent la prophétie, qu’ils prêtent l’oreille à celui qui fait les promesses et qu’ils croient à celui qui les accomplit. Mais chacun de nous aussi, mes frères, a passé du vieil homme à l’homme nouveau ; que d’infidèle il devienne fidèle ; d’avare, libéral ; d’adultère, homme chaste ; de méchant, bienfaisant. Qu’il soit donc notre psaume, cet hymne que l’on chante pour ceux qui seront changés, et qu’il commence par nous décrire celui par qui tout est changé.
3. Le titre est donc : « Pour ceux qui doivent changer, intelligence aux fils de Coré, cantique pour le bien-aimé »[4]. Ce bien-aimé a été vu par ses persécuteurs, mais non pour en être compris. « Car s’ils eussent connu le Seigneur, ce Roi de gloire, ils ne l’eussent point crucifié »[5]. C’était pour cette intelligence que lui-même cherchait d’autres yeux quand il disait : « Celui qui me voit, voit aussi mon Père »[6]. Que le psaume relève ici ses louanges ; réjouissons-nous de ces noces et nous serons aussi de ceux qui entrent eux-mêmes dans ces saintes épousailles, qui y sont invités, et où les invités sont l’Épouse même. Car cette Épouse est l’Église, et l’Époux est le Christ. Les jeunes étudiants chantent parfois aux hommes et aux femmes qui se marient, des vers appelés épithalames ; tout ce qui est chanté l’est à la gloire de l’Époux et de l’Épouse ; or, dira-t-on que dans ces noces du Christ où nous sommes invités, il n’y a pas un thalamus ou lit nuptial ? D’où vient alors cette parole d’un autre psaume : « Il a placé sa tente dans le soleil, et lui-même est comme l’Époux qui sort de son lit nuptial ?[7] » L’union conjugale, c’est le Verbe uni à la chair ; et le lit où s’est opérée cette union est le sein de la Vierge. C’est là que la chair a été unie au Verbe, et de là vient cette parole : « Ils ne sont plus deux, mais une seule chair »[8]. L’Église a été tirée d’entre les hommes, afin que cette chair unie au Verbe devînt la tête de l’Église, et que les membres de cette tête fussent tous ceux qui croiront. Veux-tu voir en effet celui qui est venu à ces noces ? « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu »[9]. Que cette Épouse se réjouisse, elle qui est aimée de Dieu. Quand l’aime-t-il ? quand elle est encore souillée. « Tous ont péché, dit l’Apôtre, ce et ont besoin de la gloire de Dieu »[10]. Et encore : « Le Christ est mort pour les pécheurs »[11]. Dieu l’a aimée dans sa laideur, afin qu’elle quittât cette laideur. Ce n’est pas toutefois à cause de cette laideur qu’il l’a aimée, puisque Dieu n’aime point ce qui est laid ; et s’il l’aimait, il le conserverait ; or, le voilà qui la dépouille de cette laideur pour lui donner la beauté. Comment donc était cette Épouse qu’il est venu trouver, et qu’en a-t-il fait ? Qu’il vienne aussi en nous dans ces paroles prophétiques ; qu’il vienne à nous lui-même, cet Époux ; aimons-le, ou même ne l’aimons point, si nous trouvons en lui quelque difformité. Il a trouvé en nous bien des laideurs, et néanmoins il nous a aimés : ne l’aimons point, si nous trouvons en lui quelque chose de difforme. En cela même

  1. Mt. 27,33
  2. Id. 39
  3. Ps. 44,1
  4. Id.
  5. 1 Cor. 2,8
  6. Jn. 14,9
  7. Ps. 18,6
  8. Mt. 19,6
  9. Jn. 1,1
  10. Rom. 3,23
  11. Id. 5,6