Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/482

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même est-il bon, sinon parce qu’il est Dieu ? Et non seulement Dieu, mais Dieu unique avec son Père. Quand il a dit en effet : « Il n’y a de bon que Dieu seul », il ne s’est point séparé de Dieu, mais il s’est uni à lui. « Une bonne parole s’est donc échappée de mon cœur ». Laissons à Dieu le Père ce langage au sujet de son Verbe qui est bon, qui est notre bien, et par lequel seul nous pouvons devenir bons.
5. Voyons la suite : « C’est au roi que je dis mes œuvres ». Est-ce encore le Père qui parle ainsi ? Si ce langage est encore du Père, voyons comment nous pouvons entendre, sans blesser la foi vraie et catholique, cette parole : « C’est au roi que je dis mes œuvres ». Quelles œuvres le Père peut-il raconter à son Fils notre roi ? quelles œuvres peut faire connaître le Père à son Fils, puisque toutes les œuvres du Père ont été accomplies par le Fils ? À moins peut-être que dans cette parole : « Je dis mes œuvres au roi », le mot « dire » n’exprime la génération du Fils. Je crains que des gens peu instruits ne puissent me comprendre ; je le dirai cependant, me suivra qui le pourra, de peur que si je m’en tais, celui qui pourrait me suivre, ne le fasse point, Nous lisons ces mots dans un autre psaume : « Dieu a parlé une seule fois ». Dieu a parlé si souvent par ses Prophètes, si souvent par ses Apôtres, il parle aujourd’hui si souvent par ses saints, et le Psalmiste dit : « Dieu a parlé une seule fois[1] » Comment n’a-t-il parlé qu’une fois, sinon parce qu’il n’a qu’une parole, un Verbe unique ? De même que dans ce verset : « Une bonne parole s’est échappée de mon cœur », nous reconnaissons la génération du Fils, la même pensée me semble répétée dans ce qui vient ensuite ; alors « je dis », serait la répétition de « une bonne parole s’est échappée « de mon cœur ». Que signifie : « Je dis ? » Je profère une parole. D’où vient en Dieu, la parole, sinon de son cœur, du fond de lui-même ? Pour toi, tu ne dis rien au-dehors qui ne s’exhale de ton cœur ; ta parole qui résonne et qui passe, ne vient pas d’ailleurs, et tu serais étonné que Dieu parlât de la sorte ? Mais, en Dieu, dire est quelque chose d’éternel, Toi, tu parles maintenant, parce que tout à l’heure tu te taisais, ou bien voilà que tu n’émets pas encore ta parole,’et tout à l’heure, quand tu commenceras, tu rompras en quelque sorte le silence, et tu enfanteras une parole qui n’était pas auparavant. Ce n’est pas ainsi que Dieu enfante son Verbe ; le dire de Dieu est sans commencement et sans fin ; et pourtant il ne dit qu’une parole. Qu’il en dise une autre, si la première est finie. Mais comme l’interlocuteur subsiste toujours, comme sa parole subsiste également, comme cette parole une fois dite n’a point de fin ; alors cette fois même est sans commencement, on ne la répète pas deux fois, parce que dite une fois elle subsiste toujours. Cette phrase donc : « Une bonne parole s’est échappée de mon cœur », a le même sens que celle-ci : « Je dis mes œuvres au roi ». Mais pourquoi dis-je mes œuvres ? Parce que toutes les œuvres de Dieu sont dans son Verbe. Tout ce que Dieu devait faire dans la création était dans son Verbe ; et ce qui n’eût pas été d’abord dans son Verbe, n’eût pu être réalisé : de même que rien n’entre dans une construction, s’il n’est d’abord dans l’idée. C’est ce qui est marqué par l’Évangile : « Ce qui a été fait en lui était vie »[2] Donc ce qui a été fait était auparavant, mais dans le Verbe ; et toutes les œuvres de Dieu étaient là avant d’être des œuvres ; mais le Verbe était, et ce Verbe était Dieu, et il était en Dieu et il était Fils de Dieu, et il était un seul Dieu avec son Père. « Pour moi, je dis mes œuvres au roi ». Entende celui qui parle, quiconque peut comprendre le Verbe ; et qu’il voie avec le Père cette parole éternelle, en qui sont toutes les choses à venir, et en qui ne cessent pas d’être celles qui ont passé. Toutes ces œuvres de Dieu sont dans son Verbe comme dans sa parole, comme dans son Fils unique, comme dans le Verbe de Dieu.
6. Quelle est la suite ? « Ma langue est comme la plume de l’écrivain rapide »[3]. Quel rapport, mes frères, quel rapport entre la langue de Dieu et la plume de l’écrivain ? Quelle ressemblance entre une pierre et le Christ ?[4] quelle ressemblance entre un agneau et le Sauveur ?[5] entre un lion et la force du Fils unique de Dieu ?[6] Tout cela néanmoins a été dit ; et sans ces comparaisons il nous serait difficile de nous élever des choses visibles à l’Invisible lui-même. C’est ainsi que nous n’élevons pas jusqu’à l’excellence divine celle

  1. Ps. 61,12
  2. Jn. 1,3
  3. Ps. 44,2
  4. 1 Cor. 10,4
  5. Jn. 1,29
  6. Apoc. 5,5