Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/487

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et puissantes ». Elles pénètrent, elles ont de l’effet. « Aiguës et puissantes. Les peuples tomberont sous vos coups ». Quels peuples sont tombés ? Ceux-là sont tombés qui ont été frappés. Nous voyons des peuples soumis au Christ, mais qui ne sont point tombés. Le Prophète nous explique ce genre de chute : « Dans le cœur », dit-il. C’est par là qu’ils élevaient contre le Christ, c’est par là qu’ils tombent devant le Christ. Saul blasphémait le Christ, il se dressait contre lui ; il implore le Christ, il tombe, il se prosterne ; il meurt comme ennemi du Christ, afin de vivre disciple du Christ. Une flèche part du ciel, Saul est frappé au cœur, lui qui n’est pas encore Paul, mais Saul, qui lève la tête, qui n’est pas encore renversé : il reçoit une flèche et son cœur fléchit. Car son cœur ne fléchit pas, quand son visage fut abattu, mais bien quand il dit : « Seigneur, que m’ordonnez-vous de faire ? »[1] Tu courais tout à l’heure pour garrotter les chrétiens, pour les conduire au supplice ; et maintenant tu dis au Christ : « Que voulez-vous que je fasse ? » O flèche acérée, flèche puissante, qui perça le cœur de Saul et en fit Paul ! Il en est des peuples comme il en fut de lui : voyez les nations, voyez-les s’incliner devant le Christ. Donc « tous les peuples tomberont de cœur devant vous, tous les ennemis du Roi » ; c’est-à-dire, tous vos ennemis. Il donne le nom de Roi au Christ qu’il reconnaît pour son Roi. « Les peuples tomberont de cœur devant vous, tous les ennemis du Roi ». Ils étaient ennemis : frappés de vos flèches, ils tombent devant vous. D’ennemis ils sont devenus amis ; m’étaient des ennemis morts, ce sont des amis vivants. Ainsi s’accomplit : « Pour ceux qui doivent changer ». Nous cherchons à comprendre chaque parole, chaque verset ; mais sous cherchons de manière que nul n’hésite à les appliquer au Christ : « Les peuples tomberont de cœur devant vous, tous les ennemis du Roi ».
17. « Votre trône, ô Dieu, est pour les siècles des siècles ». Car Dieu vous a béni pour l’éternité, à cause de la grâce qui s’épanouit sur vos lèvres. Dans le royaume des Juifs le trône était temporel ; il regardait ceux qui étaient sous l’empire de la loi et non ceux qui étaient sous l’empire de la grâce. Le Christ est venu pour délivrer ceux qui étaient sous la loi et les établir sous la grâce. « Son ce trône est pour les siècles des siècles ». Pourquoi ? Parce que le premier siège n’était que celui d’un royaume temporel. Pourquoi maintenant un trône dans les siècles des siècles ? Parce que c’est le trône de Dieu, ce Votre ce siège, ô Dieu, est pour les siècles des siècles ». O Dieu de l’éternité ! Dieu ne pourrait avoir un trône temporel. « Votre siège, ô Dieu, est-ce pour les siècles des siècles ; le sceptre de ce votre empire est un sceptre de droiture ». Il est sceptre de droiture, parce qu’il rend les hommes droits. Ils étaient courbés, tortueux ; ils voulaient régner pour eux-mêmes ; ils s’aimaient, ils aimaient leurs désordres ; ils ne soumettaient point à Dieu leur volonté, mais ils prétendaient ployer la volonté de Dieu au gré de leurs convoitises. Le pécheur, l’homme injuste, en effet, s’emporte souvent contre Dieu, parce qu’il ne pleut pas ; et il ne veut pas que Dieu s’irrite contre sa mollesse. Et presque chaque jour des hommes s’occupent à disputer contre Dieu : Il devait, disent-ils, agir ainsi ; il n’a pas bien fait là. Tu sauras donc ce que tu dois faire, et Dieu ne le saura pas ? Tu es tortueux, mais Dieu est droit. Comment unir ce qui est droit à ce qui est tortueux ? On ne peut les mettre en ligne. C’est comme si tu posais un bois tortueux sur un parquet bien uni ; il n’y a ni alignement, ni adhésion, ni ajustement. Le parquet est uni partout, et ce bloc tortueux ne peut s’ajuster à ce qui est uni. Or, la volonté de Dieu est unie, droite ; la tienne est courbée ; et celle de Dieu te paraît courbée à son tour, parce que tu ne saurais y conformer la tienne. Mais redresse-toi sur ce modèle, et ne force pas le modèle à se courber avec toi ; tu ne le pourrais, tes efforts seraient vains, ce modèle est toujours droit. Veux-tu t’y adapter ? Corrige-toi, et le sceptre de Dieu qui te dirigera sera le sceptre de la droiture. Car un roi tire son nom de régir ou rendre droit ; il rie régit pas, celui qui ne redresse pas. De là vient que notre Roi est le Roi des âmes droites. De même qu’il est notre Prêtre parce qu’il nous sanctifie, il est notre Roi parce qu’il nous redresse. Mais, qu’est-il dit ailleurs ? « Vous serez saint aux yeux de l’homme saint, ce pur aux yeux de l’homme pur, élu aux yeux de l’homme élu, méchant aux yeux du méchant »[2]. Or, Dieu n’est pas pervers, mais

  1. Act. 9,6
  2. Ps. 17,26-27